L’adoption est un parcours du combattant au niveau administratif et psychologique, pour l’enfant, pour les parents et pour tous les intermédiaires. Dans son deuxième long-métrage, Pupille, l’actrice-réalisatrice Jeanne Herry met en scène une partie de ce processus comme enchaînement de liens fugitifs.
À commencer par cette jeune femme de 21 ans (Leïla Muse) qui se présente à l’accueil de la maternité de Brest pour accoucher sous X. Animée par des motifs personnels qui ne seront pas précisés davantage, elle refuse de prendre son nouveau-né dans les bras et n’arrive pas à développer un lien avec lui. Ensuite, c’est au tour d’une jeune infirmière (Stéfi Celma) de s’occuper du petit Théo pendant que l’assistante sociale Mathilde (Clotilde Mollet) officialise l’abandon de l’enfant par la mère. S’ensuit un séjour chez Jean (Gilles Lellouche), un assistant familial qui accueille le petit garçon dans sa maison sous la supervision de l’éducatrice spécialisée Karine (Sandrine Kiberlain). Pendant ce temps, Lydie (Olivia Côte) et ses collègues voient régulièrement les personnes ayant déposé des dossiers en vue d’une adoption. Au bout de huit ans c’est finalement le grand jour pour Alice (Élodie Bouchez), le moment qui ouvre le film. C’est elle qui est choisie comme nouvelle maman pour Théo.
C’est presque à la manière d’une documentariste, sans surplus émotif, que Jeanne Herry expose dans un premier temps les nombreux personnages et leurs rôles. Peu à peu seulement, le scénario issu de sa propre plume, approfondie les liens entre les protagonistes. L’engagement de l’assistante sociale qui réfléchit jour et nuit sur le sort du pupille, l’acharnement de la psychologue Sophie (Judith Siboni) lorsqu’il s’agit du bien-être mental du bébé et les sentiments enfouis de Karine, en plein divorce, pour son collègue Jean, révèlent doucement le thème général du film.
C’est de notre besoin d’affection dont nous parle Pupille dans toute sa sensibilité et son soin du détail. Jeanne Herry nous donne un aperçu rarement vu des procédures qui suivent l’abandon d’un enfant tout en évitant le jugement et l’apitoiement. En montrant les différents acteurs comme maillons fiables et engagés d’une longue chaîne, elle dresse une image optimiste du système d’aide sociale et d’un sujet au potentiel dramatique. Le petit Théo et son ressenti restent toujours au centre de l’attention. Même si les moyens d’expression sont limités à deux mois d’âge, la réalisatrice réussit à démontrer que le bébé sait faire part de ses sentiments.
Les grandes émotions font surface à la toute fin lorsque Théo quitte son papa temporaire pour rencontrer sa nouvelle mère pour la première fois. C’est à ce moment, au bout de huit ans de combat pour son personnage, qu’Élodie Bouchez révèle une fois de plus la force de son jeu d’actrice, dans la vague d’émotions qui submerge Alice. C’est à ce moment-là aussi que l’on réalise l’ampleur de l’effort fourni par l’assistant familial, qui adopte l’enfant tout en devant le laisser partir le moment venu.