Toulouse n’est pas encore relié à Paris par une ligne à grande vitesse (le TGV prend quatre heures alors qu’il ferait la distance en trois heures si elle existait), mais pour les autorités, tant régionales que nationales, il est impératif de construire une autoroute entre la Ville rose et la cité de Castres, à quelque 80 km à l’est, pour la « désenclaver » : c’est le rôle dévolu à l’A69, qui échauffe les esprits en France depuis des mois. Continuer de bétonner, d’artificialiser les sols et de favoriser le trafic automobile en pleine crise climatique, tel est l’objectif affiché d’une partie des élus locaux, de la présidente socialiste du Conseil régional, Carole Delga, et de ses alliés écologistes dans cette instance, appuyés par le gouvernement.
Les défenseurs du vivant mènent la bataille à Paris, en jouant aux « écureuils » aux abords du ministère de la transition écologique, et sur place, en manifestant sur les lieux du tracé prévu. Pour eux, l’A69 est un projet climaticide et anachronique dont rien ne saurait justifier la réalisation. Christophe Cassou, climatologue au CNRS à Toulouse, membre du GREC (pendant régional du GIEC), résume en ces termes la situation, dans un entretien à Libération : « Le projet de l’A69 est emblématique car il coche toutes les cases de ‘l’impossible bifurcation’ ». Rendant compte d’une rencontre entre l’association Atecopol, un groupe de 200 scientifiques toulousains opposés au projet, et Carole Delga, il dit avoir rappelé que « sur la base des faits scientifiques, il n’y a pas d’arguments tangibles au regard des enjeux environnementaux et sociaux pour justifier la construction de cette autoroute en 2023 ». La réaction de Madame Delga leur a fait comprendre que « de manière délibérée, et donc assumée, les faits scientifiques sont soit minorés soit tout simplement non pris en compte ».
Les arbres jouent un rôle crucial dans cette confrontation. Comme il faut en abattre par centaines pour créer l’infrastructure autoroutière, les opposants s’y installent et mettent au défi les forces de l’ordre de venir les en déloger. Du côté de ceux qui veulent à tout prix achever l’autoroute, on avance la compensation carbone – consistant à replanter ailleurs autant d’arbres que ceux abattus – comme une façon raisonnable de tenir compte des dégradations environnementales. Une approche qui, selon Christophe Cassou, ne résiste pas aux faits : « La mortalité des forêts explose littéralement en ce moment à cause des chaleurs extrêmes (…) il n’y a rien de pérenne dans cette soi-disante compensation ».
Comme dans beaucoup d’autres endroits sur le globe, c’est bien une forme de déni climatique qui s’exprime ainsi dans le Sud-ouest. Piétiner la science et avancer de spécieux arguments économiques ou sociaux pour imposer la construction de nouvelles routes est malheureusement encore trop répandu. La « première loi des trous » est pourtant claire : « When in a hole, stop digging ».