« Avec Atlântico, la rentrée rime avec mer, soleil et bon temps » peut-on lire dans le programme distribué à l’entrée. Atlântico, c’est le rendez-vous des amateurs de musique des pays lusophones. Lancé en 2016, le dernier rejeton des grands festivals organisés par la Philharmonie fête aujourd’hui ses trois ans. En ce mardi 24 septembre, aux alentours de midi trente, le Grand Auditorium affiche complet. Pour ce lunch concert, Lúcia de Carvalho se démène pour réveiller une audience encore tiède. La faute à la digestion d’après la chanteuse, qui se moque gentiment de son public. Edouard Heilbronn est à la guitare et Lionel Galonnier aux percussions. Le trio à la musique métissée, à l’image de sa leadeuse, qui a grandi entre l’Angola, le Portugal et la France, convainc. Sur No meu jardim, la chanteuse personnifie sa vie et son parcours par un jardin qu’elle nous décrit. Un dernier moment de douceur avant de retrouver l’Avenue John F. Kennedy et sa chaleur toute relative.
Le lendemain, le Mozambique est mis à l’honneur par Selma Uamusse. Augusto Macedo est aux claviers, Nataniel Melo aux percussions et Gonçalo Santos au djembé. Le quatuor au rythme dans le sang interprète des compositions extraites de son projet Mati. La chanteuse fait monter sur scène une dizaine de personnes qui se mettent à danser. On aura rarement vu autant d’ambiance dans la salle de musique de chambre. No guns, no weapons ! scande Selma Uamusse en pointant du doigts certains spectateurs. Sa voix est explosive, notamment lorsqu’elle rend hommage à Nina Simone. Elle se balade ensuite dans les rangées, rendant impossible à quiconque de rester indifférent à sa musique. On en ressort avec du baume au cœur, mais avec les oreilles bouchées, la faute à un son trop fort. Le (mauvais) choix de l’artiste qui loupe de peu le sans faute.
Jeudi soir, la musique instrumentale est mise à l’honneur avec Carlos Bica à la contrebasse, Frank Möbus à la guitare et Jim Black à la batterie. Le trio fait une proposition jazz pur jus en deux parties. Une première, lente, cérébrale voire assommante. Puis une seconde rythmique, toute en démonstrations. La transition se fait avec Believer, morceau pivot du jazzman portugais. Ce dernier prend parfois la parole, présentant les morceaux joués dans un anglais approximatif. On comprend que sa première date luxembourgeoise remonte à trois décennies. Son retour au grand-duché est maitrisé mais sans réel éclat. Dehors, la place de l’Europe accueille le Yumm festival, regroupement de food trucks à l’affluence encore modeste.
Bonga, personnage iconique de la chanson populaire angolaise, lance la soirée de vendredi. Ses musiciens montent d’abord sur scène. Betinho est à la guitare, Hernani à la basse, Ciro Lopes à l’accordéon – instrument clé du concert – et Djipson est à la batterie. Le chanteur, qui arrive en chemisette, annonce la couleur. Il ne sera question ni de samba, ni de merengue, ni encore de zouk mais de semba, dont Bonga est la figure de proue depuis les années 70. Muni d’un dikanza, instrument en bambou strié et frotté par une baguette, le chanteur fend la salle de sa voix rauque. Son timbre de voix cassée mais chaude dénote avec celui qu’il aborde au quotidien. Lunaire lorsqu’il s’adresse à l’audience, il y va de ses commentaires cinglants et faussement naïfs. De la petite phrase hilarante sur les us et coutumes des africains et des européens, jusqu’aux saillies politiquement incorrectes et quelque peu douteuses, tout y passe. Bonga devient le confident du public, le transportant dans son jardin d’hiver imaginé. Les spectateurs lusophones reprennent en cœur le refrain de Mariquinha. La soirée se prolonge dans l’espace découverte avec Noiserv. Dehors, la soirée bat son plein.
Le samedi 28, le grand auditorium affiche complet pour Ana Moura et son fado singulier. Actrice majeure de la nouvelle génération des fadistes portugaises, le plus grand public a pu la découvrir lors de l’ouverture de la finale du 62e Concours Eurovision de la Chanson en 2018. La presse internationale a vanté sa voix rauque de contralto, à raison. Enchaînant ses hits avec délicatesse, elle est accompagnée par une belle brochette de musiciens. Pedro Soares est à la guitare, André Moreira est à la basse, João Gomes est aux claviers, Mário Costa est aux percussions et enfin Ângelo Freire est à la guitare portugaise. Son jeu démentiel sur sa sorte de mandoline provoque des cascades d’applaudissements. Le lendemain, Sérgio Godinho clôt le festival.