« Inaptes ». C’est avec ce qualificatif que la Roumaine Rovana Plumb et le Hongrois Laszlo Trocsany ont été rejetés par la Commission juridique du Parlement européen pour les postes de commissaires européens. Les deux candidats sont suspectés de conflits d’intérêt et n’ont pas réussi à convaincre les eurodéputés de leur innocence. La social-démocrate Rovana Plumb, qui briguait le commissariat des Transports, n’a pas pu justifier deux prêts litigieux. Quant à Laszlo Trocsany (Parti populaire européen), qui espérait obtenir le commissariat Voisinage et élargissement, il n’est pas parvenu à expliquer ses liens avec un cabinet d’avocats qu’il avait fondé en 1991 avant de devenir ministre de la Justice dans le gouvernement dirigé par Viktor Orban.
Le candidat hongrois se déclare choqué par la décision de Bruxelles et menace d’intenter un procès contre ses détracteurs. « Je suis consterné par la décision de la Commission juridique du Parlement européen, a-t-il déclaré. Une injustice flagrante,
le manque de transparence et le non-respect de la loi me rappellent un passé que je croyais oublié. Il s’agit d’une décision politique dépourvue de toute base factuelle. » La candidate roumaine Rovana Plumb conteste elle aussi le verdict des eurodéputés. « La décision de la Commission juridique est une décision politique, a-t-elle déclaré suite à l’échec de sa candidature. La Commission dans son ensemble n’a fait qu’accuser au lieu de me soutenir dans le procès d’audition. »
La décision de la Commission juridique du Parlement européen est une première et montre la volonté de la nouvelle instance législative d’éliminer tout soupçon quant à l’intégrité éthique de la future Commission. La procédure de nomination des commissaires est fragile, car elle n’autorise les eurodéputés à interroger les candidats que sur leur déclaration d’intérêts. « Nous n’avons pas accès à ces informations, donc on fait avec les moyens du bord », a précisé le Roumain Dacian Ciolos, président du groupe Renew. Un avis partagé par la plupart des eurodéputés. « La procédure d’examen de conflits d’intérêt ne permet pas de lever les soupçons, explique Manon Aubry, députée de la Gauche unitaire européenne (GUE). Le manque de temps et de moyens d’investigation rend cette procédure très politique. »
Les gouvernements roumain et hongrois ont déploré la remise en cause de leurs candidats à Bruxelles. « Laszlo Trocsany était notre meilleur candidat à la Commission européenne, a déclaré le Premier ministre hongrois Viktor Orban. Son péché a été d’avoir aidé mon gouvernement et moi-même. » La Première ministre roumaine Viorica Dancila continue à soutenir son amie Rovana Plumb et la défend face à ses détracteurs. « Je la connais depuis très longtemps, nous avons travaillé ensemble et j’apprécie son professionnalisme, a-t-elle affirmé après le rejet du Parlement européen. Elle a tous les atouts pour être un très bon commissaire. »
Pourtant Rovana Plumb n’a pas que des atouts, elle a aussi des problèmes. À l’occasion des élections européennes qui ont eu lieu le 26 mai, elle a effectué un virement de 170 000 euros sur les comptes du Parti social-démocrate (PSD). Elle ne peut pas justifier un tel montant qui représente l’équivalent du salaire minimum sur une trentaine d’années de travail en Roumanie. « Un ami m’a prêté cet argent », a-t-elle déclaré. Cette explication n’a convaincu ni à Bruxelles ni à Bucarest où l’opposition libérale l’accuse de mentir. Le problème de Rovana Plumb est qu’elle traîne des casseroles. En septembre 2017, le Parquet national anticorruption (DNA) l’avait accusé d’abus de pouvoir et demandé au parlement de supprimer son immunité. En tant que ministre de l’Environnement elle avait offert une île au chef de son parti Liviu Dragnea, un passionné de pêche. Mais la majorité des députés sociaux-démocrates avaient refusé la demande des procureurs. En mai dernier Liviu Dragnea a été condamné à trois ans et demi de prison ferme, mais son amie Rovana Plumb a échappé à la justice grâce à son immunité parlementaire.
L’opposition de droite accuse le gouvernement social-démocrate de vouloir exporter la corruption roumaine à Bruxelles et demande sa démission. Mardi 1er octobre, le Parti national libéral (PNL) a déposé une motion de censure qui risque de provoquer la chute du gouvernement. « La Première ministre Viorica Dancila doit mettre fin à cette mascarade des nominations à la fonction de commissaire européen, a déclaré Ludovic Orban, chef de file des libéraux. Le choix de Rovana Plumb est une honte. Nous demandons à Mme Dancila de consulter le président Klaus Iohannis et le Parlement avant de nommer un candidat à Bruxelles. C’est ce que dit la loi. »
À Budapest le Premier ministre hongrois Viktor Orban semble avoir compris le message de Bruxelles. Le 1er octobre il a fait une autre proposition : Oliver Varhelyi, l’ambassadeur hongrois à Bruxelles. « Nous avons fait en sorte de ne plus proposer un homme politique, mais un technocrate », a déclaré M. Orban. Un choix agréé par la Commission. « Son CV fait bonne impression, a commenté le porte-parole de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Avec les Roumains nous sommes encore en discussion. » Quant au gouvernement roumain, il a l’intention de proposer un ancien ministre de la Communication, Dan Nica, qui est loin de faire l’unanimité sur l’échiquier politique. Une éventuelle chute du gouvernement pourrait conduire à sa contestation. La rentrée politique s’annonce chaude en Roumanie.