Dernière signature d’Own Records, Natureboy et son album éponyme perpétuent et élargissent les contours du label. Car si dès les premiers arpèges de guitare, on retrouve en filigrane les desseins chers à Own Records, à savoir intimisme et impressionnisme, sans oublier un minimalisme de bon aloi, Natureboy parvient tout de même à imposer sa griffe personnelle dans un univers qui l’est peut-être moins. En effet, les influences et autres accointances auront vite fait de situer ce projet au cotés de figures comme Bon Iver, Beach House, Red House Painters, Mazzy Star, Cowboy Junkies voire la tendre Cat Power des débuts.
Ce serait allé un peu vite en besogne. Derrière ce pseudonyme qui fait, avouons-le, un peu garçon manqué, se cache l’Américaine d’origine iranienne, Sara Kermenshani. Son CV musical fait mention d’antécédents au sein de la formation House on a Hill de Brooklyn, féru de rock tendu et âpre mâtiné des effluves postrock, comme si Karen O des Yeah Yeah Yeahs fricotait avec Redneck Manifesto. D’ailleurs, l’un de ses comparses, Cedar Apffel a produit l’album et joue dans le backing-band de Natureboy. Backing-band qui, tout au long de l’album, évolue avec sobriété et tact, sublimant les morceaux de la belle juste qu’il faut. Car Sara Kermenshani domine cet album de la tête et des épaules. À ce titre, la photographie de son profil ornant la pochette donne plus d’une indication, qu’elle soit d’organigramme interne ou d’ordre strictement musical.
Les neuf morceaux de ce premier album ont, dans la plupart des cas, pour colonne vertébrale la guitare acoustique et la voix profonde de Sara Kermenshani, qui habite littéralement ses ballades crépusculaires aux couleurs automnales. Pour utiliser un certain jargon, on dira qu’elle sort ses tripes, mais paradoxalement sans se départir d’une certaine fragilité rêveuse très palpable sur l’aérien Broken train. Il faut dire que tant les textes que leur interprétation, très assurée, surfent sur le fil tenu entre confessions émotionnellement intimes et évocations presque oniriques. C’est sans doute l’un des attraits majeurs de cet album.
Le morceau d’ouverture Curses fired sert de catharsis initiale et prend un envol lumineux passé un couplet austère dominé simplement par une guitare acoustique et la voix de Sara Kermenshani où celle-ci semble lécher l’une ou l’autre blessure. À côté, l’entrainant Pariah, qui suit, semble plus enjoué si le texte ne virait pas vers les bas-côtés de l’âme. Autre morceau de choix, le solennel et magnifique Heart to fool dévoile la chanteuse déclamant son texte par volées de syllabes sur des motifs obsédants de guitares. Ceux-ci laissent ensuite place à des bandes passées à l’envers lors d’un chorus qui doit aussi sa dime au meilleur postrock. Si, généralement, les arrangements, tout en discrets entrelacs, restent en retrait, ils sont bel et biens présents et griffent l’univers sonore d’effets déliquescents où toutes sortes de delays de guitares hantent deux tiers des morceaux de manière indélébile.
Quant à Natureboy, si quelques rares morceaux de cet album ne disposent pas de cette force rampante, tous laissent présager d’un nom à retenir et ainsi que d’une carrière discographique qui devrait vite dépasser le cercle des initiés et autres suiveurs d’Own Records…