Depuis quelques années, il semble que la scène luxembourgeoise redécouvre les joies de l’EP. Il faut dire que le format, court par définition, n’est pas dénué d’avantages, permettant à la formation en question d’avoir une carte de visite musicale assez commode ou, parallèlement à ses « œuvres majeures », d’expérimenter en dehors de son terrain de jeu habituel. Parmi les dernières victimes recensées ayant succombé à cette fièvre galopante, on dénombre aussi bien les shooting stars du dernier printemps, Angel at my Table que les vieux loups de mer de Baby Oil.
En l’espace d’une année, tout semble réussir au quatuor Angel at my Table. Une visibilité accrue tant sur les grandes scènes nationales que sur les ondes radiophoniques a littéralement bousculé le ronron local. Il faut dire que malgré les faciès juvéniles de nos protagonistes, les trois quarts du groupe ont longtemps œuvré au sein de Javies et font preuve d’un savoir-faire proprement bluffant en matière de composition et de gimmicks prêt-à-écouter. Vous ajoutez à cela la voix très maîtrisée et calibrée FM de la jeune Joëlle et le tour de passe-passe est fait.
Les quatre titres de l’EP City romance le prouvent à l’envi. D’une efficacité sans failles, les titres déboulent les uns après les autres et on imagine sans peine que cette pop énergique matinée de guitares posthardcore, à l’enthousiasme conquérant, trouve un certain succès. Souvent comparé à Paramore, voire à Evanescence au niveau des vocalises, tandis que la base musicale s’inspire également de cadors posthardcore tendance poids lourd comme Thrice ou Alexisonfire, le quartet évolue sur ces fondements et a bien retenu la leçon, comme l’illustre le professionnalisme confondant avec lequel il balance la purée. Bizarrement, certains riffs de guitare sur Rainbows end ou Honey [&] moon ont plus d’une accointance avec les outsiders locaux de La-fa Connected.
Cependant, on n’espère en fait qu’une chose d’Angel at my Table : qu’ils trouvent leur voie personnel-le – et vite ! Malgré leurs qualités intrinsèques, les quatre morceaux pourraient aussi bien sortir d’une bande originale de films popcorns de super-héros ou autres comédies teenagers où l’on compile, par vans entiers, des tonnes de groupes US interchangeables, rarement mémorables, malgré une débauche d’énergie et de sentimentalisme à peu de frais. Avec un tel potentiel et le bagage d’Angel at my Table, cela s’apparenterait à du gâchis, non ?
Pour ce qui est du cas Baby Oil, leur dernier EP Assume nothing montre une certaine évolution par rapport au dernier album, Score, paru deux ans auparavant. Le line-up semble avoir trouvé une certaine stabilité et cela se ressent tout au long des cinq morceaux. Beaucoup moins brouillonnes que par le passé et dotés d’une plus grande concision, les compositions de Baby Oil bénéficient aussi d’un chant plus affirmé et évoluant dans un registre plus haut perché, ce qui permet de temps à autre à Sebastien Peiffer de dévoiler une mélancolie douce amère et inédite comme sur le vulnérable Superficial intelligence. Ce morceau est sans conteste la pièce maîtresse de l’EP, implacable jusqu’à sa moitié avant de se laisser aller aux essences vénéneuses à la Blonde Redhead.
Comme de coutume, les guitares aux résonances 90’s et/ou atmosphériques constituent la charpente des morceaux, même si des arpèges de synthétiseur pompiers à la Muse, prennent le devant de la scène sur l’intro du tendu Only a child, au texte un poil trop adolescent pour être honnête (n’oublions pas que la moyenne d’âge du groupe dépasse la trentaine). Suit le plus dansant et équivoque Army of butterflies, qui effectue le grand écart entre une pop citrique sur ses couplets, malgré ses guitares incisives et un refrain qui bombe le torse. Manipulation of the paradigms suit un peu le même schéma, mais s’avère nettement plus convaincant par la grâce d’un refrain mieux torché et moins fanfaron. L’EP s’évapore dans les limbes avec l’épique Fuck you qui nous rappelle au bon souvenir du space-rock à la Hum et autres Smashing Pumpkins (première époque, cela s’entend), prenant bien le temps d’effectuer un décollage sans accrocs.
Si Baby Oil veut toujours décrocher les étoiles en devenant plus accessible, ils semblent avoir trouvé la bonne échelle pour ne pas retomber sur le nez.