La musique adoucit les mœurs. Si cet adage bien connu fait toujours bien des émules, d’autres préfèrent utiliser cet art à des fins plus revendicatrices, voire vindicatives. Rappelons ainsi l’illustre chanteur folk Woody Guthrie qui inscrivait sur toutes ses guitares this machine kills fascists. La liste de musiciens engagés est longue et cela fait plus de dix ans que Sliver, quatuor belgo-franco-luxembourgeois, vient apporter sa pierre à cet édifice. Ainsi, à l’heure où sort un nouvel ep, Generation A, il est temps de revenir sur leur dernier lp, Music is a weapon, sorti en automne 2009 sur Winged Skull Records.
Après une mise en garde en guise d’introduction par l’auteur de Fight Club ou encore de Choke Chuck Palanhiuk, chantre de l’anticonformisme, on entre dans le vif du sujet. Autant dire tout de suite que Sliver n’y va pas avec le dos de la cuillère. Se réclamant clairement de groupes comme Refused, Thrice, At The Drive-In, Snapcase ou encore Thursday, le posthardcore teinté de screamo de Sliver se veut brut de décoffrage. La référence aux indépassables suédois peut porter ombrage à leur démarche, car comme Refused, Sliver opte pour des compositions éclatées qui laissent entrer des digressions électroniques surprenantes, avec cependant moins de réussite que leurs illustres prédécesseurs, à qui tout réussissait le temps d’un mythique The shape of punk to come. Seul These Arms Are Snakes aurait pu faire vaciller ce piédestal, mais le groupe a eu la mauvaise idée de se séparer avant.
À la charge de Sliver, le liant électro-nique prend moins bien qu’espéré, la faute à des nappes de synthéti-seur souvent rikiki ou mal jaugées, à l’instar de celles à la Faith No More présentes entre autres sur we are not dead. Dommage, car sur papier, l’idée s’avérait excellente et parve-nait, malgré tout, à véhiculer quelques réussites (la ballade affectée mais poignante the end of the world voire le titre phare kamikaze et son morceau caché). Cependant Sliver véhicule assez d’urgence sincère voire même d’imagination (les claps du morceau titre, l’introduction médiévale de social determinism and the anthill, …) afin de maintenir un intérêt tout au long du disque. Les compositions, dominées par les guitares incisives, ne sont pas exemptes de gimmicks catchy, de gros riffs et de breaks fracassants, éléments propres au posthardcore. De plus, atout non négligeable, elles oscillent pour la plupart entre deux et quatre minutes.
Quant aux textes portés par une voix claire, voire pop par moments, ils font dans le commentaire social mâtiné de revendications éparses. Quelques titres sont axés autour de la métaphore insecte/humain (en gros, des millions de sans-grade trimant et s’aliénant pour une raison qui les dépasse), d’autres fustigent le conformisme comme mode de vie dominant tandis que le morceau titre célèbre la portée de la musique. Si l’on n’apprend rien de bien neuf, les textes ont le mérite d’exister et d’être, de par leur cohérence, totalement en phase avec le groupe.
Avec ce Music is a weapon, Sliver essaie de faire avancer son schmilblick et prend des risques en conséquence. Quitte à tomber parfois, ce qui ne les empêche pas de continuer à voir de l’avant.