Google a annoncé cette semaine mettre fin à la collecte de données privées WiFi par ses voitures de cartographie dans le cadre de sa campagne mondiale de prises de vue pour son service Street View, un élément de Google Maps. Pourtant, à y regarder de plus près, la décision du géant de Mountain View n’est pas vraiment la décision vertueuse qu’attendaient les défenseurs de la sphère privée : Google est bien décidé à poursuivre la collecte de données sur les réseau privés sans fil – simplement, au lieu de se faire à partir de voitures, cette collecte sera effectuée à l’avenir à l’aide de terminaux mobiles : ceux d’utilisateurs de services Google.
Ce nouvel épisode dans la saga des données privées WiFi collectées par Google révèle, si besoin était, à quel point cette collecte n’avait rien d’accidentel. On se souvient de l’émotion causée ces derniers temps dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, l’Espagne et le Canada, par la révélation que des données étaient exportées et stockées. Google n’a « pas l’intention » de reprendre cette collecte, a annoncé la responsable de la protection des données privées du gouvernement canadien, Jennifer Stoddart.
À quoi donc peuvent servir ces données ? Il apparaît qu’elles peuvent être de précieux auxiliaires de localisation, en offrant un complément moins gourmand en énergie que le GPS – ce dernier peut aussi être difficile à mettre en œuvre en présence de gratte-ciels – et utile dans les cas où les cellules GSM ne sont pas disponibles. « Les données que nous collectons servent à améliorer les services de géolocalisation de Google », expliquait la société sur son blog en avril dernier. Les données WiFi servent aussi à Google à distribuer des publicités ciblées aux utilisateurs de ses services. Clairement, la géolocalisation reste pour Google un marché de première importance.
Google ne ressort pas grandi de cette polémique. Lorsque les premières accusations de collecte et stockage de données transitant sur les réseaux privés sans fil avaient été faites, en mai dernier, la société avait commencé par nier, affirmant qu’elle se conten-tait de recueillir les identités SSID et adresses MAC des réseaux. Face aux demandes insistantes des autorités allemandes, elle avait par la suite dû reconnaître que des données sur les contenus échangés par le biais de ces réseaux privés avaient aussi été gla-nées et emmagasinées. En Espagne, la société encourt une amende en raison de cette pratique.
Et l’on découvre dans ce contexte des comportements attribués à Google qui jurent encore davantage avec l’image « sympa » qu’entend se donner la société. Une plainte a été introduite contre Google par Skyhook, une société pionnière dans la collecte de données WiFi à partir de terminaux mobiles. Skyhook affime que Google force les constructeurs de téléphones portables Android à privilégier ses outils liés à Google Maps et à d’autres services embarqués dans Android, plutôt que ceux de Skyhook. Selon la plainte, Google aurait menacé les constructeurs de leur retirer le support officiel Android pour leurs appareils, une démarche que Skyhook attribue à la constatation par Google que ses outils de collecte de données sont inférieurs à ceux de Skyhook. Selon Greg Sterling, du magazine en ligne Search Engine Land, Google, désormais gêné dans sa collecte de données WiFi après le piteux épisode Street View, est d’autant plus tributaire de celles que peuvent lui procurer les portables Android et fait donc tout pour éviter que ces données aillent à un concurrent. Si cette interprétation est la bonne, il est urgent de mettre encore davantage la pression sur Google à jouer cartes sur table au sujet des données WiFi. Nul doute que les réseaux sans fil privés, par lesquels transitent des données éminemment personnelles, méritent d’être traités avec davantage de respect.