En parallèle aux remarquables expositions de Sylvie Blocher (voir d’Land 49/14) et de Rui Moreira (voir d’Land 50/14), le Mudam présente dans l’une de ses ailes une partie de sa collection sous le thème « art et moi », Art & me – collection Mudam. Le service des publics du musée (Nadine Erpelding, Markus Pilgram, Cindy Einsweiler, Stina Fisch et Valérie Toll) s’est fait commissaire de l’exposition et a imaginé, à travers une sélection de dessins, photographies et installations, un parcours autour du sujet de la relation d’un individu à une œuvre d’art. Ce faisant, il remet de façon délibérée en question les formes habituelles de présentation des œuvres.
Ainsi, le Mudam vise à éviter les sentiers battus et à interroger les canons figés d’accrochage et de comportement supposé d’un individu face à une œuvre d’art. Alors que les institutions et les centres d’art proposent d’habitude des expositions élaborées de façon scientifique et pédagogique et présentées de manière claire, voire épurée, Art & me joue sur la concentration des œuvres dans l’espace. Les salles sont dominées par la présence des tables, chaises et étagères modulaires conçues par Tobias Putrih (Mudam’s Studio Design, 2006), engendrant immédiatement une atmosphère conviviale. L’œuvre Remember (what is missing), commande du musée à Marco Godinho pour l’exposition, vient renforcer la sensation qu’on ne se trouve pas dans un musée stérile et intouchable. La première salle est ainsi tapissée avec du papier peint sur lequel Godinho a fait imprimer une multitude de petits portraits provenant de photos d’identité. Un carré blanc se situe devant le visage de chaque personne photographiée et la rend anonyme.
Les œuvres exposées ont toutes été choisies en fonction de la thématique du domicile ou du chez soi. Le tableau et la série de seize dessins en noir et blanc Atelier (2004-2005) de Jean-Marie Biwer rappellent ainsi le lieu de travail d’un artiste. Les trente dessins réalisés par des amis de Roman Ondák et rassemblés par l’artiste montrent, quant à eux, des intérieurs avec des plantes, des maisons ou des éléments et plans architecturaux sous différents points de vue et dans différents styles (Dubbing, 2001). La photographie Maison N°10 I (1989) de Thomas Ruff représente trois maisons adjacentes de style après-guerre, celle de Wolfgang Tillmans montre une femme en pullover bleu, dans une sorte de jardin privé (Mami, 1994).
Le choix et le positionnement des œuvres peuvent être qualifiés à la fois d’humoristiques et de ludiques. L’étagère accrochée au mur par Mathieu Mercier, dans laquelle sont posés un seau bleu, une caisse rouge et un flotteur jaune, se veut un clin d’œil au célèbre peintre Piet Mondrian (Drum & Bass « easy », 2007). Les cinq photographies de la série Stracci (2005) de Stefano Bianchi paraissent de prime abord être des compositions abstraites ; vues de près, elles dévoilent que l’artiste a rassemblé des torchons de cuisine et les a mis en scène de façon très précise. L’artiste mexicain Jose Dávila invite le spectateur avec sa série photographique Buildings you have to see before you die (2008) à compléter mentalement les images proposées. Sur les paysages urbains, il a découpé au laser l’édifice principal (re)connu par les spectateurs, en fonction de leur origine et éducation.
L’exposition et le guide explicatif s’adressent principalement aux familles et leur proposent un parcours amusant ; les connaisseurs resteront cependant sur leur faim. Bien plus de questions sont suggérées que de réponses données. Il est ainsi dommage que certains éléments-clés qui sont à l’origine des œuvres et qui fournissent des pistes de lecture possibles ne sont pas évoqués, comme l’idée de Roman Ondák de rassembler des dessins réalisés par ses amis sous son propre nom et de manière générale l’importance de la fiction dans son œuvre. Si le guide promet de l’aide afin de se découvrir soi-même, il en dit moins sur ce qui est à voir au Mudam, qui, après tout, reste un musée. L’idée de confier la présentation de la collection au service des Publics, responsable entre autres pour la médiation en salle et pour l’organisation des projets pédagogiques et des ateliers et workshops pour enfants et jeunes, soulève une interrogation très intéressante sur le rôle et le métier des commissaires d’exposition. De l’autre côté de l’Atlantique, le Clark Art Institue à Williamstown invite les Internautes via une compétition sur le web à arranger virtuellement près de 400 objets de sa collection. La première exposition physique uCurate fut gagnée, sans que le jury ne connaisse l’âge des participants, par une fille de onze ans.