Signe que la scène des réseaux sociaux reste plus dynamique que jamais, on a appris ces derniers jours qu’Instagram, spécialiste du partage d’instantanés, a désormais plus d’utilisateurs que Twitter, la plateforme de microblogging adoptée jusque par le pape et la reine d’Angleterre. Avec 300 millions d’utilisateurs mensuels actifs, Instagram fait mieux que Twitter qui n’en fait « que » 284 millions. Est-ce à dire qu’Instagram est appelé à éclipser son rival ?
Pas si vite, rétorquent certains. En matière de réseaux sociaux, le nombre d’utilisateurs ne dit pas tout. Si l’on évalue la portée du réseau social, Twitter reste indiscutablement plus visible et plus cité qu’Instagram. Facebook, qui a racheté Instagram pour un milliard de dollars en avril 2012, fait bonne figure auprès des investisseurs grâce aux performances de son acquisition : ceux-ci tendent à voir le nombre d’utilisateurs des réseaux sociaux comme le principal paramètre pour mesurer leur potentiel de « monétisation ». Instagram profite-t-il de son affiliation à Facebook ? Où est-il en train de toucher les dividendes d’une stratégie de développement antérieure à son acquisition ?
Instagram a été créé en 2010 et son essor a été très rapide puisque le service passait la barre des cent millions d’utilisateurs dès avril 2012. Avec son format carré (que l’on retrouve dans son nom, référence au légendaire format Instamatic de Kodak), appliqué aussi à ses clips vidéo limités à quinze secondes, Instagram a toujours misé sur la simplicité et la proximité.
On a pu croire dans un premier temps qu’Instagram se confinerait au partage de médias visuels entre amis, surtout à l’échelle locale. Mais l’utilisation des hashtags et la fonction de recherche, même rudimentaire, ont considérablement aidé le réseau à s’universaliser. Au point que des journalistes qui se servaient surtout de Twitter pour récupérer des clichés d’actualité publiées par des non-journalistes écument désormais aussi Instagram avec beaucoup de succès. La progression d’Instagram reflète-t-elle une marche triomphale de l’image qui prend le pas sur le texte ?
Twitter a été conçu au départ pour des messages courts, de la taille d’un SMS, et a connu le succès que l’on sait grâce à son immédiateté et à son caractère ouvert et universel. S’il a ajouté au fil des ans des modules qui facilitent l’inclusion d’images, il est resté moins ergonomique pour le partage d’images que les réseaux construits à cette fin comme Tumblr, Flickr ou Instagram. Il se trouve que la photo ou le clip sont des vecteurs de communication « riches » que l’on peut de surcroît combiner avec des légendes incluant une partie au moins des éléments que l’on trouve dans un tweet. Le déferlement d’Instagram serait-il aux réseaux sociaux ce que la radio et de la télévision ont été à la presse au vingtième siècle ?
A la richesse informative des images s’ajoute un atout auquel ne pouvait pas prétendre la télévision lorsqu’elle prenait d’assaut les autres médias : la facilité de produire du contenu. Il suffit de quelques secondes pour prendre une photo, la légender et la poster. Twitter a réussi à se tailler une place enviée de pivot incontournable de l’actualité, et c’est précisément à ce rôle qu’Instagram est aujourd’hui en mesure de s’attaquer grâce à sa masse critique et au fait qu’il est nativement articulé sur le partage d’images. Certes, il lui reste pour ce faire à améliorer ses fonctions de recherche, qui restent largement en-deçà de celles de Twitter (qui travaille lui-même à améliorer ses fonctionnalités dans ce domaine, y compris pour les tweets anciens). Mais Instagram peut compter, en matière de recherche, sur les efforts qu’entreprend Facebook dans ce domaine et qui lui ont permis, il y a quelques jours, de s’affranchir de Bing, le moteur de recherche de Microsoft.