Kim Dotcom a été arrêté en Nouvelle-Zélande en janvier 2012, dans des circonstances spectaculaires, avec les photos de ses rutilantes limousines et voitures de sport aux plaques d’immatriculation vantardes étalées dans les gazettes du monde entier. Les autorités néo-zélandaises ont arrêté ce prospère et atypique entrepreneur à la demande du FBI, qui lui reprochait de favoriser le piratage avec son service MegaUpload. Ce service payant, qui permettait de stocker des fichiers en ligne et de disposer de ces fichiers à l’aide d’un lien, a été utilisé par quelque 180 millions d’internautes qui appréciaient ses vitesses élevées de téléchargement. MegaUpload était utilisé pour l’échange de fichiers protégés par le droit d’auteur, mais aussi comme espace de stockage et d’échange de fichiers publics ou privés légitimes. L’arrestation de Kim Dotcom, un colosse né en Allemagne en 1974 au passé mouvementé de hacker, trafiquant en cartes de téléphone volées (ce qui lui a valu de la prison), investisseur et créateur d’entreprises, a eu pour conséquence la fermeture de MegaUpload. Mais assez rapidement, son arrestation à la hussarde s’est révélée entachée d’irrégularités, et il semble aujourd’hui acquis que celui qui a acquis la nationalité néo-zélandaise en 2010 a de bonnes chances de s’opposer avec succès à la demande d’extradition qui pèse contre lui.
Il y a quelques jours, Kim Dotcom a annoncé son intention de lancer un nouveau service, appelé Mega. Après sa mésaventure, il a imaginé un modèle d’affaires plus résilient pour se prémunir contre les démarches inamicales des grands studios. Cette fois, tous les fichiers stockés sur le service seront systématiquement chiffrés, les clés étant détenues par les clients de Mega. Cela rendra le contenu des serveurs abritant les fichiers stockés illisible pour tous, sauf les propriétaires de comptes, réduisant d’autant les impératifs de sécurité pour ses serveurs. Cela permettra de les décentraliser et de les installer plus près des utilisateurs, garantissant des vitesses plus élevées. Contrairement à MegaUpload, qui requérait l’installation d’un logiciel, Mega fonctionnera dans un navigateur. Il s’agit d’un ambitieux modèle de stockage de données sur le « cloud » dont tous les détails n’apparaissent pas encore clairement : le lancement est annoncé pour le 20 janvier 2013.
Mais ce qui est d’ores et déjà clair, c’est que les tweets de Dotcom et ses préparatifs ont mis ses ennemis sur le pied de guerre. Soucieux de disposer d’une adresse courte et facile à mémoriser pour son nouveau projet, Dotcom avait réservé le nom de domaine me.ga, l’extension .ga correspondant au Gabon. Le gouvernement de ce pays a fait savoir la semaine dernière qu’il suspendait le nom de domaine. « J’ai instruit mes départements (…) afin que le site www.me.ga soit immédiatement suspendu », a fait savoir le ministre de la Communication et de l’Économie numérique, se référant à l’illégalité supposée de Mega.
Kim Dotcom a répliqué sur Twitter, voyant dans cette suspension le bras long des États-Unis et de Vivendi, propriétaire de Maroc Télécom dont Gabon Telecom est une filiale, et raillant le ministre gabonais qui doit posséder selon lui « une machine à voyager dans le temps pour connaître l’illégalité d’un service qui n’a même pas encore été lancé ».
À présent que me.ga est grillé, c’est un nom de domaine néo-zélandais qui devra faire l’affaire. « La Nouvelle-Zélande sera la patrie de notre nouveau site web http ://Mega.co.nz – actionné par la légalité et protégé par la loi », a tweeté Dotcom. L’adresse propose en effet d’ores et déjà les pages présentant les contours du nouveau service qui étaient précédemment logées à l’adresse gabonaise. À supposer que la Nouvelle-Zélande laisse le remuant Dotcom exploiter son service, il restera à vérifier si son modèle d’affaires est viable. Alors que sur MegaUpload, les fichiers étaient stockés non encryptés et que le volume requis était limité par le fait que nombre d’entre eux étaient partagés à l’identique dans différents dossiers personnels, le cryptage systématique devrait multiplier de manière exponentielle les volumes de stockage nécessaires – au point que certains experts se demandent comment Dotcom compte faire des bénéfices avec Mega.
Jean Lasar
Catégories: Chronique Internet
Édition: 09.11.2012