Carl Icahn a acquis quelques dix pour cent du diffuseur de films Netflix et s’apprête de toute évidence à se lancer dans une bagarre boursière – sans doute à l’aide d’alliés – pour le contrôle du diffuseur en ligne de films. Celui que la presse américaine présente comme un « actionnaire militant » et les médias européens comme un « raider » n’a pas encore clairement annoncé la couleur, mais il a publié la semaine passée un communiqué après l’acquisition de 9,98 pour cent du capital de Netflix et d’options, à travers différents véhicules d’investissement, pour 168,9 millions de dollars. Dans ce communiqué, Carl Icahn estime que Netflix est sous-évalué et dit que lui et ses alliés pourraient à l’avenir à « chercher à avoir des discussions » avec l’entreprise. La fortune de Carl Icahn, âgé de 76 ans, est estimée à 14 milliards de dollars.
Cette semaine, Netflix a répliqué en mettant en place un dispositif anti-OPA l’autorisant à émettre des actions spéciales diluant son capital, de façon à pouvoir forcer un éventuel assaillant à racheter un nombre toujours croissant de titres et à rendre pratiquement impossible une OPA hostile. La presse a promptement baptisé le dispositif de « pilule Icahn ». Faute d’une annonce formelle d’Icahn sur ses intentions, le dispositif n’est toutefois pas activé pour l’instant.
Les ingrédients d’un drame boursier sont donc rassemblés, tant du côté d’Icahn, qui a à son actif un palmarès exceptionnel de « coups » en tous genres – d’ailleurs pas tous réussis, loin s’en faut –, que de Netflix, qui, à défaut d’avoir brillé en bourse ces derniers temps, n’en est pas moins une vedette incontestée dans l’univers des nouvelles
technologies. Si l’on en juge par le précédent « coup » d’Icahn, il n’est pas certain cependant que son objectif affiché, la maximisation de la valeur pour les actionnaires, soit au rendez-vous. La foire d’empoigne autour de Yahoo à laquelle il a été mêlée n’a pas vraiment aidé le géant du Net à sortir de l’ornière, certains suspectant même que ses menées aient in fine aggravé ses difficultés et empêché l’action Yahoo de se redresser.
Interrogé par le Los Angeles Times, le financier, qui adore décidément les médias puisqu’il s’est aussi attaqué récemment – en vain – aux studios Lionsgate, a expliqué : « Toutes les habitudes sont en train de changer. Vous allez avoir la distribution qui va changer tout le business de l’entertainement, et ils ont la meilleure plateforme ».
Il faut reconnaître que l’action Netflix a déjà connu des jours meilleurs. Elle valait de l’ordre de 300 dollars il y a un an environ, pour décliner fortement après une hausse de 60 pour cent de ses tarifs qui lui a fait perdre environ un million de clients. L’action oscillait autour de 60 dollars depuis la publication récente de ses résultats trimestriels, jugés décevants. Après la publication du communiqué d’Icahn, elle a bondi de 14 pour cent pour retomber peu après.
En raison de la place centrale que Netflix a réussi à occuper dans la distribution de films en ligne (aux États-Unis, mais également au Canada, en Amérique latine, au Royaume Uni, en Irlande et dans les pays nordiques, avec au total quelque
30 millions d’abonnés), l’entreprise a fait l’objet de rumeurs quant à une acquisition par des géants du Net ou des télécoms, Amazon, Apple, Microsoft, Verizon Communications et Google étant les plus cités.
L’entreprise, dont le modèle d’affaires repose sur un abonnement mensuel modique, a vu son bénéfice s’effondrer et a annoncé qu’elle pourrait pour la première clore l’exercice en cours sur une perte, malgré l’acquisition de nombreux nouveaux clients : pas moins de cinq millions de plus aux États-Unis cette année selon ses projections. Mais, désormais vue par les studios comme un acteur de poids, Netflix doit débourser davantage pour accéder aux films et séries télévisées. Contrairement à ses habitudes, Icahn ne dit pas de mal du dirigeant actuel de Netflix, Reed Hastings – du moins pas pour l’instant. « C’est un gars plein d’imagination. Il a fait plein de bonnes choses », a-t-il dit, ajoutant: « Ils sont dans une position excellente ».
Jean Lasar
Catégories: Chronique Internet
Édition: 02.11.2012