Dire que les cartes du nouveau système d’exploitation des iPhone et iPad, iOS 6, lancé en grande pompe la semaine dernière, ont déçu est un understatement. Alors qu’Apple avait habitué ses inconditionnels à s’attendre à systématiquement trouver « the best products on earth », la déconvenue a été brutale. Dans la nouvelle mouture du système d’exploitation, l’application « Maps », remplace d’office l’application Google Maps. Malheureusement, le lancement du succédané a été quelque peu précipité.
À peine commencée la ruée vers l’iPhone5, dont cinq millions ont été vendus en un week-end, la curée a débuté sur la blogosphère, les commentateurs déchirant à pleines dents les cartes proposées par Apple, et ce avec d’autant plus de fureur que la publicité de lancement de l’iPhone5 les avait couvertes de louanges immodérées. Même en faisant la part de la Schadenfreude des indécrottables détracteurs d’Apple, il faut reconnaître que les défauts des cartes d’Apple sont flagrants. Des pans entiers de la campagne française sont rendus comme les taches blanches que, faute de comptes-rendus d’exploration dignes de foi, les cartographes d’antan laissaient sur certaines régions d’Afrique et d’Asie. Le ministre irlandais de la Justice s’est fendu d’un avertissement aux pilotes de ne pas essayer d’atterrir, en cas d’urgence, dans les champs d’une ferme de la région de Dublin nommée Airfield qu’Apple Maps a malencontreusement affublée d’un symbole d’aéroport. Il faut dire qu’Alan Shatter est élu de la région et, en bon politicien, il a profité de cette bourde pour se gausser d’Apple avec éloquence et se faire citer abondamment dans les gazettes. De nombreux sites berlinois sont agrémentés d’un énigmatique « Schöneiche bei Berlin ». Une gare de Helsinki est devenue un parc. Des utilisateurs se sont plaints auprès de la BBC que certaines villes, dont Stratford Upon Avon, manquaient à l’appel. Un peu partout, les blogueurs ont comparé les informations fournies par Google Maps et celles d’Apple Maps, chaque fois au détriment de ces dernières.
Certes, la terre est vaste, l’infrastructure changeante et les nomenclatures des pays exotiques farcies de pièges. Lorsque Google avait lancé ses cartes, elles étaient elles aussi truffées d’erreur. Mais à la différence de celles d’Apple, elles avaient été mises à la disposition des internautes sans garanties ni publicité excessive. Comme celles d’Apple aujourd’hui, elles proposaient un dispositif permettant aux utilisateurs de signaler les inexactitudes. C’est ainsi qu’au fil des ans, Google Maps est devenu l’étalon de la cartographie en ligne – une situation d’autant plus enviable que Google a très tôt proposé des applications mobiles soignées.
Les rois du marketing aux manettes d’Apple auraient pu éviter cette pantalonnade en faisant preuve d’un peu de modestie et en insistant sur le fait qu’il s’agit d’une version beta appelée à s’améliorer au fil des mois grâce au feedback des utilisateurs. Faute de l’avoir fait, et bien qu’Apple reste l’entreprise la plus chère du monde, ils ont dû endurer les sarcasmes de Joe Nocera, journaliste du New York Times qui, surfant sur cette mésaventure, se demande méchamment si elle n’est pas « le canari dans la mine » révélant qu’Apple « a atteint son maximum ». Ce faisant, il se réfère à une analyse dévastatrice proposée par The Atlantic Wire. Celui-ci affirme que bien qu’Apple ait acquis un certain nombre d’entreprises de cartographie et ait passé des accords avec TomTom et d’autres spécialistes de la navigation routière, la firme de Cupertino n’emploie pas assez de monde pour peaufiner efficacement ses cartes (Google en a 7 000).
Autre souci, Apple a misé sur un algorithme pour jauger la qualité de ses cartes, au lieu d’un process faisant intervenir au moins en partie des humains. Face à ces quolibets, les défenseurs d’Apple restent de marbre. Sur Engadget, Brad Hill fait valoir que, dans l’esprit qui a fait le succès de la marque à la pomme, rien ne vaut le fait de pouvoir désormais proposer une application maison pouvant être reliée à tous types de données de géolocalisation sans passer par Google.
Jean Lasar
Catégories: Chronique Internet
Édition: 21.09.2012