Après le verdict rendu par un jury californien à l’encontre de Samsung vendredi dernier à la demande d’Apple, l’affrontement entre les deux groupes est loin d’être terminé. Les jurés ont estimé que les smartphones du groupe coréen imitaient l’iPhone de manière flagrante et lui ont infligé des dommages de plus d’un milliard de dollars. Il s’agit d’une victoire d’étape importante pour Apple, mais il serait prématuré d’imaginer que Samsung abandonne la partie et encore
davantage que l’iPhone va à présent s’imposer tous les marchés.
À commencer par le fait que la firme coréenne va faire appel, notamment en portant l’affaire devant un tribunal spécialisé dans les brevets à Washington. Certes, Apple reste mobilisé et a demandé à un juge d’instance, dans la foulée de la décision des jurés californiens de vendredi dernier, d’interdire d’importation aux États-Unis huit smartphones de Samsung. À noter qu’il s’agit de téléphones vendus aux États-Unis en quantités assez réduites ; les modèles en vogue de Samsung, notamment les Galaxy S III et Galaxy Note, ne sont pas concernés. Une audience avec la juge Lucy Koh est prévue le 20 septembre ; elle pourrait aussi aboutir à un relèvement significatif des dommages imposés à Samsung.
Mais les décisions de vendredi et celles qui pourraient résulter de l’audience du 20 septembre ne valent que pour les États-Unis, alors que d’autres procès se poursuivent sur d’autres marchés et ont déjà débouché pour certains d’entre eux sur des verdicts moins favorables à Apple. En outre, elles ne constituent pas des précédents : d’autres tribunaux américains peuvent arriver à des conclusions inverses dans des affaires comparables.
On sait qu’à travers Samsung, c’est le système d’exploitation Android lancé par Google qui est visé. Android est aujourd’hui largement dominant sur le marché mondial des smartphones (64 pour cent du marché, contre 19 pour cent pour Apple), notamment grâce au fait qu’il équipe des appareils considérablement plus abordables que l’iPhone. La question est donc de savoir si la victoire de vendredi dernier va avoir un impact sur la viabilité des Android et risque de faire pencher la balance en faveur des iPhone et iPad au détriment des Android.
De l’avis général, rien n’est moins sûr. D’abord parce que Samsung est un géant industriel que le milliard de dollars de dommages qui lui a été infligé ne va pas ébranler : la somme représente environ 1,5 pour cent de son chiffre d’affaires dans l’électronique. Mais on ne saurait exclure qu’in fine Samsung doive aussi payer des royalties à Apple et soit obligé de relever quelque peu le prix de ses appareils.
D’autre part, la guerre des smartphones va se concentrer sur les nouveaux modèles, notamment le nouvel iPhone, dont le lancement est imminent, mais aussi sur ceux en gestation chez Samsung et d’autres constructeurs. Fort de sa victoire contre Samsung, Apple peut en théorie à présent s’en prendre à d’autres constructeurs dont elle considérerait les smartphones Android comme des clones de ses produits. D’un autre côté, ceux-ci vont être tentés de se prémunir contre les attaques potentielles d’Apple en modifiant certaines propriétés de leurs modèles.
Les experts s’accordent sur un point : faisant fi de la crise économique, les smartphones sont appelés à gagner des parts de marché et à se substituer progressivement aux « bêtes » téléphones. Selon une projection diffusée cette semaine par le bureau d’études IHS iSuppli, les ventes de smartphones vont représenter 54 pour cent du marché global des téléphones portables l’an prochain, contre 46 pour cent cette année. Il faut dire qu’ils sont de plus en plus abordables (un modèle Android à moins de cent dollars vient d’être lancé aux États-Unis). Le bureau d’études estime que les smartphones représenteront plus de deux tiers du marché global en 2016. Des perspectives qui sont pour beaucoup dans l’acharnement dont font preuve les protagonistes de cette guerre des brevets.
Jean Lasar
Catégories: Chronique Internet
Édition: 24.08.2012