Zynga, qui commercialise des jeux en ligne dits « sociaux » – sociaux au sens où ils s’appuient sur les réseaux sociaux pour recruter leurs adeptes et les faire interagir entre eux –, a fortement déçu les marchés financiers en présentant ses résultats trimestriels la semaine passée. Affichant des pertes significatves, alors que la jeune pousse, de manière atypique, avait habitué les investisseurs à des profits non négligeables, et une décélération notable de l’acquisition de nouveaux joueurs mobiles, Zynga a été confronté à la fuite d’une partie de ses actionnaires et à une baisse notable de sa valeur en bourse. Certains commentateurs spécialisés se sont déchaînés, brossant un portrait peu flatteur de l’entreprise. Il faut dire que la calamiteuse introduction en bourse de Facebook, qui constitue le vivier principal des jeux de Zynga, est intervenue entre-temps et a contribué à rendre les investisseurs méfiants.
Le principal reproche à l’encontre de Zynga est que son modèle d’affaires et les perspectives de croissance qu’il a fait miroiter aux investisseurs repose sur l’illusion d’une augmentation ininterrompue du nombre de joueurs actifs. Même si les jeux sont en partie gratuits pour les utilisateurs, même si le nombre de participants de réseaux sociaux et celui des utilisateurs de smartphones continuent d’augmenter, celui de ceux qui sont disposés à s’adonner aux joies de FarmVille, CityVille ou autres Mafia Wars ne croît plus aussi vite, beaucoup s’en faut, qu’aux débuts de la société, créée en Californie par Marc Pincus en avril 2007.
Le premier jeu de Zynga, Texas Hold’em Poker, a été mis en ligne sur Facebook en juillet de la même année. La suite de l’histoire de la société se lit comme la saga typique d’une start-up vouée au succès : elle obtient quelque 40 millions de dollars de capital-risque, recrute des dirigeants prestigieux, lance FarmVille qui dépasse rapidement les 20 millions d’utilisateurs actifs par jour en 2009, ouvre des bureaux dans plusieurs villes des États-Unis, puis à Bangalore et dans d’autres villes, réalise de nombreuses acquisitions. Le lancement en bourse de Zynga intervient en juillet 2011, alors que l’entreprise compte 2 000 employés, avec un objectif de levée de fonds pouvant aller jusqu’à un milliard de dollars. La cotation de Zynga commence au Nasdaq le 16 décembre 2011.
Les jeux sociaux en ligne ont souvent été décrits par ceux qui ne les pratiquent pas comme une plaie des réseaux sociaux. Difficile de ne pas percevoir comme du spam la notification reçue d’« amis » sur Facebook relative à une couvée de poussins qui vient d’éclore dans FarmVille. Surtout lorsqu’on sait que ces jeux relèvent pour la plupart du « cow-click », une expression forgée pour désigner la pauvreté de l’interaction qui prédomine sur beaucoup de jeux Zynga, qui s’apparentent davantage à une sorte de Tamagochi en ligne qu’à un défi ludique digne de ce nom.
Au deuxième trimestre 2012, Zynga a fait état d’un chiffre d’affaires de 332 millions de dollars, en progression de 19 pour cent par rapport au deuxième trimestre 2011, mais d’une perte de 22,8 millions. L’origine des revenus de Zynga repose d’une part sur les acquisitions de crédits de jeu (l’« énergie » dépensée au cours du jeu) par les utilisateurs, et de l’autre sur des partenariats, avec par exemple la possibilité d’obtenir des crédits en répondant à un questionnaire ou en achetant des services auprès d’un partenaire. Il s’agit essentiellement d’un modèle dit « freemium », où l’accès au jeu de base est gratuit mais où le joueur adepte est rapidement « monétisé » par différentes méthodes qui reposent en grande partie sur l’insertion du jeu dans le réseau social, le tout étant encadré par un contrat de cinq ans avec Facebook qui contraint Zynga à utiliser des crédits Facebook.
Pour améliorer ses résultats, Zynga compte à présent sur le lancement de nouveaux jeux et sur un accent plus fort mis sur les jeux d’argent, mais l’impression qui prédomine est celle d’un modèle en bout de course. Un chroniqueur spécialisé dans les jeux en ligne a même suggéré sur TechCrunch que la prochaine étape pourrait être un rachat de Zynga par Yahoo à vil prix.
Jean Lasar
Catégories: Chronique Internet
Édition: 03.08.2012