Pour Yahoo, ce sera le cinquième CEO en cinq ans. Pour Google, c’est une dirigeante historique, la vingtième en rang, qui s’en va pour tenter de sortir de l’ornière l’un de ses principaux concurrents. Marissa Mayer a annoncé cette semaine qu’elle allait diriger une des entreprises les plus emblématiques du Web, englueé depuis des années dans une spirale faite d’hémorragie de ses utilsateurs et de baisse de valeur de son action. Elle rejoint également le conseil d’administration de Yahoo.
En mai dernier, Scott Thompson avait été le dernier à jeter l’éponge à la tête de Yahoo, après une bagarre qui avait aussi débouché sur le départ de plusieurs membres du conseil d’administration de la firme. Au fil des ans, de CEO en CEO, de remaniement du conseil en réorientation stratégique, Yahoo ressemble à un paquebot en perdition, un paquebot au passé prestigieux certes, au nom indissociablement lié à l’essor d’Internet, mais qui peine à renouer avec la croissance.
Marissa Mayer a-t-elle l’étoffe requise pour sauver Yahoo de la faillite ? Rappelant que Yahoo compte malgré tout encore 700 millions d’internautes qui se servent régulièrement de ses services, Mayer a indiqué vouloir travailler avec les employés « dévoués » de Yahoo pour apporter aux utilisateurs et annonceurs du monde entier « des produits, contenus et expériences personnalisées innovants ».
D’origine finlandaise, âgée de 37 ans, diplômée de Stanford, spécialiste en intelligence artificielle, Marissa Mayer est entrée chez Google en 1999, après un passage notamment chez UBS à Zurich, au sein d’un laboratoire de recherche.
À Mountain View, elle a été en charge du design dépouillé de la page de recherche de Google, a supervisé le lancement de Gmail et Google News, puis a dirigé les services Google Earth et Google Images, avant de se retrouver à la tête d’un département des services « locaux et de localisation », qui comprend notamment Google Maps.
Grâce à son portefeuille d’actions qui l’ont fait bénéficier de l’ascension fulgurante de Google en bourse, Marissa Mayer est aujourd’hui une jeune femme au compte en banque bien garni. Ce ne sont pas les soucis financiers qui l’auront amenée à relever ce défi. Il est clair qu’elle n’aura que quelques mois pour imprimer sa marque et éviter l’effondrement complet de Yahoo. Un premier signe encourageant, avant même son arrivée, a été une reprise des ventes au premier trimestre. L’idée de mettre le paquet sur l’innovation semble excellente a priori. Même si la firme a été dépassée par ses principaux concurrents sur ce terrain ces dernières années, elle compte toujours parmi son personnel des talents visionnaires et des programmeurs capables de transformer leurs projets en produits attractifs, notamment en matière de services nomades, un marché qu’elle a peu ou prou délaissé. Abandonnant les développements technologiques, Yahoo est devenue davantage une entreprise d’agrégation de nouvelles et de services au consommateur, qui lui servent de support pour la publicité en ligne, sa principale ressource. Mais il s’agit surtout d’une publicité de type traditionnel, contrairement à Google, dont le succès repose sur la publicité contextuelle au succès phénoménal, ce qui a graduellement transformé Yahoo en entreprise média.
Les avis sont partagés sur les chances de succès de Marissa Mayer. Certains assimilent son défi à une mission impossible, faisant valoir que le navire Yahoo « a déjà heurté l’iceberg ». D’autres font valoir que sa fortune lui confère un certain détachement, qui lui permet de se jeter dans la bataille Yahoo sans se soucier ni du qu’en dira-t-on ni de sa situation personnelle. La jeune femme gagne en tout cas en visibilité, confortant son aura de « power woman » dans un univers technologique dominé par les hommes. Son ventre est appelé à s’arrondir durant ses fatidiques « cent jours » chez Yahoo : le jour où sa nomination a été rendue publique, elle a annoncé sur Twitter qu’elle et son mari, le financier Zachary Bogue, attendent un garçon pour le mois d’octobre.