Le rachat du réseau social pour entreprises Yammer par Microsoft pour 1,2 milliard de dollars, annoncé cette semaine, a été largement interprété comme une tentative désespérée de la part du géant du logiciel de combler son retard en matière de réseaux sociaux. Yammer va devenir un élément de la suite bureautique Office tout en conservant son nom et son autonomie, a précisé Steve Ballmer, le CEO de Microsoft. Yammer permet aux employés des entreprises qui adoptent sa technologie de publier de courts posts combinant du texte, des photos, des liens ou d’autres éléments à destination de leurs collègues. Il servira aussi à accompagner les efforts de Microsoft pour placer son offre « cloud » (Office 365) et les nouvelles versions de Sharepoint, sa plateforme collaborative, venant compléter une offre qui bénéficiera déjà de l’adjonction des services étendus de téléphonie de Skype, racheté l’an dernier pour 8,5 milliards de dollars. Cependant, compte tenu de l’état d’avancement d’Office 2013 et de Sharepoint 2013, l’intégration de Yammer n’interviendra qu’avec les versions ultérieures.
Lancé en 2008, Yammer se décrit comme un « Twitter pour entreprises » et s’est taillé un succès non négligeable en se faisant adopter par les services informatiques de groupes grands et moyens, anxieux de ne pas rater la révolution du collaboratif, mais trop méfiants pour embrasser les plateformes grand public. Une façon de permettre aux employés de répliquer en entreprise les habitudes prises avec les réseaux sociaux et le Web 2.0 : renseigner les autres, même en-dehors de son entourage direct, sur ce qu’on fait, poser des questions
à la volée, favoriser les liens et les échanges d’information transversaux etc. Les détracteurs de Yammer font valoir que comme son nom le suggère, il permet à quelques grandes gueules de se plaindre à tout bout de champ de ce qui ne va pas, ou encore de court-circuiter les lignes hiérarchiques. Il n’est pas certain que beaucoup d’entreprises soient prêtes à aller jusqu’au bout de la logique des réseaux sociaux, qui peut certes avoir pour effet de créer une nouvelle plateforme de dialogue social, mais peut aussi s’avérer beaucoup plus difficile à contrôler que la traditionnelle « communication interne » unidirectionnelle.
Le service propose une version gratuite ; le prix de la version payante qui comprend bien plus de fonctionnalités est de cinq dollars par mois et par utilisateur, un prix il est vrai négociable pour les grands comptes. Parmi les entreprises les plus connues qui l’ont adopté figurent Cisco, Diageo, Groupon, Cargill, AMD, la BBC, Capgemini, Deloitte, LG Electronics, Schindler Elevators, Telefonica et Honeywell. En 2010, selon le site TechCrunch, il était utilisé par plus de trois millions d’employés dans plus de 80 000 entreprises. À travers ses « communautés », Yammer rend possible aussi des contacts entre membres de domaines informatiques différents, par exemple entre des employés d’une entreprise et ses fournisseurs ou ses clients.
Sur le papier, avec Skype et Yammer, Microsoft dispose désormais d’outils de communication et de partage puissants entre utilisateurs de ses logiciels. Pour autant, le rachat de Yammer n’a pas déclenché de concert de louanges de la part des analystes et experts. Certains ont salué le bien-fondé de la décision de Microsoft de tenter de combler enfin son retard en la matière, qui commence à être criant. Mais d’autres ont pointé le fait que Yammer, dont le modèle d’affaires repose sur l’acquisition d’une licence payante par les entreprises, est concurrencé par des outils qui offrent les mêmes possibilités mais sont gratuits. Vue sous cet angle, la transaction semble chère, même si jusqu’à présent le modèle d’affaires de Yammer semble bien fonctionner grâce aux revenus tirés des licences.