Ces temps-ci, les procès pour violation de brevet concernant Internet et les technologies de l’information se multiplientcomme des petits pains, et ce à l’échelle du globe. Les fabricants de smartphones, y compris Google en tant que principal partenaire du consortium qui gère le système d’exploitation Android, et Microsoft, qui redouble d’efforts pour promouvoir Windows sur les terminaux mobiles, ainsi que Apple, s’attaquent mutuellement à tour de bras sur les différents marchés. Typiquement, ils essaient d’empêcher la mise en vente d’un modèle, comme dans le cas d’Apple, qui tente de convaincre des juges d’empêcher Samsung de mettre en vente sur le marché américain son dernier modèle Galaxy S, avec lequel l’entreprise sud-coréenne espère reprendre des parts de marché à l’iPhone. « Samsung pense que la plainte d’Apple n’a pas de mérite. Nous nous opposerons vigoureusement à cette plainte », a fait savoir la firme.
Début mai, on apprenait qu’un tribunal de Mannheim avait ordonné que Microsoft cesse de vendre ses téléphones portables équipés de Windows 7 et la console Xbox 360 en République fédérale, donnant raison à Motorola, récemment définitivement acquis par Google, qui affirmait que ceux-ci sont contraires à des brevets détenus par Motorola Mobility. Microsoft a décidé de faire appel et a invité les consommateurs allemands à commander ses produits auprès de son distributeur aux Pays-Bas.
Les litiges relatifs aux portables se comptent par douzaines, au point que sur Wikipedia, on trouve une page pour recenser les événements les plus récents qui s’y rapportent. Cette page dénombre trois cas en 2009, une bonne trentaine en 2010, et plus d’une cinquantaine de janvier à octobre 2011. Outre les firmes déjà citées, Nokia et HTC participent avec entrain à cette gigantesque foire d’empoigne, lutte féroce pour des parts sur l’un des derniers marchés résistant à la récession. Les affaires impliquent souvent l’International Trade Commission (ITC) américaine, mais on a vu le théâtre des opérations s’élargir pour atteindre divers pays européens et asiatiques ainsi que l’Australie.
Dernier épisode en date, Google fait l’objet d’une plainte concernant son service Google Drive, un service de stockage et de partage de fichiers entre les différents éléments d’un réseau. L’affaire n’est donc pas restreinte au seul champ des portables, mais les stratégies des grands groupes englobent désormais systématiquement la dimension mobile, y compris pour cette récente avancée. Le plaignant est une petite société du Massachussetts qui affirme que Google Drive viole un de ses brevets. Superspeed LLC, à Sudbury, affirme que ce service est couvert par son brevet déposé en 1999, qui décrit une méthode pour « mettre en cache de manière cohérente des appareils I/O sur un réseau » (la notion d’I/O, pour input/output, couvre pratiquement tous les appareils pouvant être branchés sur un réseau) en faisant appel à la mémoire vive des appareils rattachés plutôt qu’à leurs disques durs. Superspeed cherche à obtenir une décision en référé contre Google et exige des royalties.
Ces batailles juridiques impliquant des brevets, qui tendent à faire partie du paysage, sont le pendant direct de l’incessant ballet des fusions et acquisitions qui agite le secteur. Lorsqu’un grand groupe rachète à prix d’or un concurrent direct ou une autre société de technologie dont l’heure de gloire est passée, dont les ventes se sont tassées et les innovations taries, il est souvent impossible de comprendre la stratégie qui sous-tend ces rachats sans examiner les portefeuilles de brevets détenus par la société rachetée. En effet, comme on l’a vu ces dernières années, les cabinets d’avocats spécialisés ne sont jamais à court d’idées pour trouver des moyens d’infléchir les rapports de force entre grands groupes à coup de plaintes en violation de la propriété intellectuelle s’appuyant sur ces portefeuilles.