L’été a été difficile pour les grands sites de partage de fichiers The Pirate Bay et Demonoid. L’arrestation à Phnom Penh, il y a quelques jours, d’un des co-fondateurs de The Pirate Bay, a été amplement couverte par les médias, faisant même l’objet d’un article dans le Financial Times. Gottfrid Svartholm Warg, 27 ans, a été arrêté par les autorités cambodgiennes dans un appartement en vertu d’un mandat d’arrêt international émis contre lui en avril dernier par la Suède pour ne s’être pas présenté pour purger une peine de prison d’un an à laquelle il a été condamné en 2009 pour infractions à la législation sur les droits d’auteur. Il va donc vraisemblablement être remis à la Suède où il ira derrière les barreaux.
The Pirate Bay est assurément le site de partage de fichiers le plus emblématique de la planète peer to peer. Sur sa page d’accueil, il s’autoproclame crânement « The Galaxy’s most resilient BitTorrent Site », et il faut reconnaître, au vu des efforts considérables – et vains pour l’instant – déployés par les majors pour le mettre à genoux, qu’il n’a pas usurpé ce titre. Lancé par Gottfrid Svartholm et Fredrik Neij en 2003, il a en quelques années acquis une grande notoriété. Contrairement à beaucoup d’autres sites de torrents, il ne requiert pas d’inscription. On y trouve des films, de la musique, des logiciels et toutes sortes d’autres fichiers.
En raison du trafic considérable qui s’y déroule, la MPAA, qui représente les grands studios de cinéma américains, le considère comme le navire amiral du piratage – titre que les fondateurs eux-mêmes ne renieraient pas, même s’ils insistent sur le fait que les serveurs de The Pirate Bay eux-même ne renferment pas de contenus litigieux : le site se contente de proposer des liens vers des magnet links qui servent à organiser le téléchargement entre les ordinateurs des utilisateurs participants. La police suédoise a bien essayé, en 2006, de le fermer en organisant une descente contre ses serveurs installés à Stockholm, mais il n’était resté offline que trois jours. Les majors ont eu plus de succès devant la justice, obtenant en 2009 des condamnations (un an de prison et 3,1 millions d’euros) contre quatre leaders du site, dont Gottfrid Svartholm, mais là aussi sans que son fonctionnement ne soit pour autant interrompu. Certains pays demandent à leurs fournisseurs d’accès de bloquer l’accès à ce site, mais la mesure peut être assez facilement contournée.
Pour Demonoid, un autre site de torrents de renom, à la taille et la fréquentation considérables bien qu’inférieurs à ceux de The Pirate Bay, les choses se sont moins bien passées. Fin juillet, il été fermé par les autorités ukrainiennes, pour de bon apparemment, car aucune tentative de le faire revivre sur un serveur de remplacement n’a été notée depuis. Les circonstances de cette fermeture ont fait l’objet d’une couverture circonstanciée par le quotidien ukrainien des affaires, Kommersant-Ukraine, et par le site web spécialisé Torrentfreak, tandis que les médias occidentaux ont dû pour la plupart s’appuyer sur ces sources pour en faire état. Le data-center de l’entreprise Colocall, qui hébergeait les serveurs du site, ont fait l’objet d’un raid organisé par la Division des crimes économiques d’Ukraine à la demande d’Interpol, après l’arrestation d’un des administrateurs au Mexique en octobre 2011.
Même s’il participait avec d’autres sites à la course aux copies pirates de films et d’albums récents, Demonoid était surtout connu pour les contenus rares, marginaux, relevant d’univers culturels très divers pour lequel il proposait des torrents,
et constituait en ce sens une remarquable caverne d’Ali Baba donnant accès, par exemple, à des films asiatiques, à des programmes religieux ou à d’obscurs documentaires révisionnistes. De ce point de vue, la disparition de Demonoid constitue une perte pour les amateurs de ces contenus rares ou exotiques.
Or, il est probable que les amateurs de torrents se tourneront illico vers l’un des innombrables autres sites proposant les derniers films, albums et logiciels et que le piratage continuera de plus belle. Pour les majors soucieux de protéger leurs contenus, cela aura donc été un coup d’épée dans l’eau.