Publiés le 2 novembre, les résultats des stress tests réalisés par l’Autorité Bancaire Européenne ont réservé quelques surprises.
Ces tests, qui se sont étalés sur six mois, sont des simulations comptables permettant de voir, sur la base de scénarios financiers ou économiques extrêmes, si les banques sont suffisamment capitalisées. Pour réaliser cette quatrième vague de tests, l’ABE a soumis les comptes 2017 à deux hypothèses d’évolution, dont une particulièrement « noire » : chute de 2,7 pour cent du PIB européen entre 2018 et 2020, accompagnée d’une montée du taux de chômage de 3,3 points, de risques économiques liés au Brexit et d’une chute des prix de l’immobilier.
48 banques de quinze pays ont été étudiées, dont 33 de la zone euro, mais aucune au Luxembourg. Plus tôt cette année, les quatre principales banques grecques avaient été testées avant la fin du programme d’aide à leur pays.
Les résultats sont en apparence très favorables. Toutes les banques testées ont respecté l’objectif de ratio minimum de « fonds propres durs » CET1 (pour Common Equity Tier 1) de 5,5 pour cent en 2020, qui avait été retenu dans l’hypothèse la plus défavorable, sachant que ce ratio était de quatorze pour cent à la fin 2017. Le scénario négatif amputerait son niveau prévu en 2020 d’environ quatre points.
En effet, le ratio CET1 moyen ressortirait à 10,1 pour cent au lieu de 15,3 pour cent, grâce notamment aux très bons scores des banques nordiques (lire encadré). Pour les 33 banques de la zone euro (qui pèsent 70 pour cent des actifs bancaires de la zone) il est de 9,9 pour cent, contre 8,8 pour cent lors des tests précédents en 2016, malgré un scénario extrême plus sévère. Les banques ont constitué entretemps des « coussins de fonds propres » élevés pour faire face à des risques eux-mêmes beaucoup mieux contrôlés. « Le résultat des tests de résistance montre que les efforts des banques pour solidifier leur base capitalistique ces dernières années ont renforcé leur capacité à résister à des chocs importants », a commenté Mario Quagliariello, le directeur des analyses et statistiques économiques à l’ABE.
Cela dit, plusieurs d’entre elles, et non des moindres, se retrouvent avec un ratio inférieur à sept pour cent, donc en queue de peloton. C’est notamment le cas de Barclays (6,37 pour cent, dernière du classement) et Lloyds (6,8 pour cent). Deux autres grands établissements britanniques s’en sortent mieux, mais restent en-dessous de la moyenne. Ainsi Royal Bank of Scotland affiche un CET 1 de 9,92 pour cent et HSBC, la plus grande banque européenne par le bilan et la capitalisation boursière, mais qui tire les trois quarts de ses profits d’Asie, ne dépasse pas 9,18 pour cent.
Le profil des banques allemandes est assez voisin : la Norddeutsche Landesbank voit son ratio tomber à 7,07 pour cent, une des plus mauvaises performances. Une autre grosse banque régionale, la Bayerische Landesbank fait mieux à 9,44 pour cent mais n’atteint pas la moyenne, au contraire de Commerzbank (9,93 pour cent). Deutsche Bank est à 8,14 pour cent, un chiffre pas très brillant (40e place sur 48), mais quasi inespéré pour une banque qui a connu trois années consécutives de pertes élevées.
La bonne surprise vient plutôt d’Italie, où les banques suscitaient des craintes à cause de l’importance des créances douteuses. En 2016, c’était un établissement italien (Monte dei Paschi, non étudié en 2018), qui avait obtenu les plus mauvais résultats. Cette année, les résultats sont encourageants, même si Banco BPM et UBI sont dans le bas du classement avec des ratios de respectivement 6,67 et 7,46 pour cent. En revanche UniCredit (9,34 pour cent) et surtout Intesa Sanpaolo (10,4 pour cent) s’en tirent mieux qu’attendu. À noter toutefois que seules les principales banques du pays ont été soumises au test, et que la situation politique et économique de l’Italie a beaucoup évolué depuis la réalisation des tests.
Les tests 2018 ont tenu compte de l’arrivée de la nouvelle règle comptable IFRS 9, obligeant les banques à être plus strictes sur les créances douteuses ou autres actifs financiers. L’ABE a également mieux intégré les risques relatifs aux turbulences des marchés et aux amendes, qui se sont multipliées au cours des années récentes.
Cela dit, trois jours seulement après la publication des résultats des stress tests, la BCE a jeté un froid, preuve qu’elle n’en a pas été totalement satisfaite. Son vice-président, l’espagnol Luis de Guindos, a en effet estimé que douze des 33 banques de la zone euro soumises aux tests allaient devoir rapidement renforcer leurs capitaux propres.
« La capacité de résistance dans l’ensemble élevée du système bancaire de la zone euro ne doit pas cacher le fait qu’il demeure des zones de vulnérabilité », a-t-il déclaré, en distinguant trois groupes de banques.
Le premier est composé des neuf banques dont le CET1, en cas de « scénario noir », resterait supérieur ou égal à onze pour cent en 2020. Ces « bons élèves » parmi lesquels figurent les deux banques belges mais une seule française, ne posent pas de problème particulier.
Un deuxième groupe comprend douze banques dont les ratios seraient compris entre neuf et onze pour cent, qui ont montré « un degré de résistance raisonnable dans l’ensemble ». En revanche le troisième groupe, avec également douze établissements, représentant quarante pour cent des actifs totaux, est constitué de banques avec des ratios de fonds propres durs qui seraient inférieurs à neuf pour cent dans le scénario extrême. Certaines d’entre elles accuseraient une « perte simulée » de plus de cinq points par rapport au ratio prévu en 2020. Bien qu’objectivement satisfaisant par rapport aux exigences actuelles, leur niveau de capital demande à être renforcé « pour faire face aux défis à venir ». Ces banques « seront en conséquence surveillées attentivement », a prévenu Monsieur de Guindos.
Parmi elles se trouvent trois françaises (soit la moitié des six testées) : Société Générale (avec un ratio de 7,61 pour cent), La Banque Postale (8,22 pour cent), mais aussi BNP Paribas (8,64 pour cent), qui s’était pourtant félicité des résultats au moment de leur publication. Dans le lot, on trouve aussi deux allemandes (Norddeutsche Landesbank et Deutsche Bank), deux italiennes (Banco BPM, plus faible résultat de la zone euro, et UBI), auxquelles s’ajoutent l’espagnole BBVA (8,80 pour cent) et la Bank of Ireland (8,93 pour cent).
Ces banques, qui se plaignaient déjà de devoir immobiliser trop de capitaux, ont rapidment exprimé leur mécontentement, dénonçant un changement de règles du jeu car elles ont bien toutes respecté le ratio cible de 5,5 pour cent. Elles considèrent d’autre part, comme Nicolas Véron, économiste au think tank européen Bruegel à Bruxelles, que « ces tests ne constituent pas l’alpha et l’oméga de l’appréciation des risques, ils n’explorent pas tous les scénarios. Mais c’est un exercice de transparence utile et un complément d’information pour les marchés ». Leurs résultats doivent donc être relativisés et ne peuvent pas conduire à créer de nouvelles contraintes dans la précipitation.
Néanmoins, le renforcement des exigences de fonds propres était prévu avant même le début des tests. Et la BCE tient à faire passer à toutes les banques le message selon lequel il ne faut pas se reposer sur ses lauriers. Une opinion relayée par le ministre des finances belge, Johan Van
Overtveldt pour qui « les nombreuses incertitudes au niveau international exigent une attention constante à l’égard des nouveaux risques potentiels » reconnaissant qu’« il y a encore du pain sur la planche ».
Bons résultats en Belgique, à l’est et au nord de l’Europe
Les deux banques belges testées en 2018 ont fait très bonne figure : KBC et Belfius affichent des performances largement supérieures à la moyenne européenne avec, dans le scénario défavorable, des ratios CET1 qui s’élèvent respectivement à 13,6 pour cent et 13,2 pour cent, ce qui les place dans le haut du panier. Leurs résultats sont supérieurs à ceux de la banque française la mieux classée (le Crédit Mutuel, 13,18 pour cent), mais inférieurs à ceux de la néerlandaise ABN-Amro (14,85 pour cent). C’est une autre petite banque néerlandaise (BNG) qui détient le record des tests 2018, avec un ratio de 22,33 pour cent, mais son statut et son business model ne sont pas comparables aux banques commerciales traditionnelles.
Les deux banques polonaises testées (Bank Pekao et PKO Bank Polski) affichent des ratios flatteurs (respectivement 14,55 et 15,62 pour cent), mais les meilleurs chiffres en Europe sont présentés par les quatre banques suédoises : elles afficheraient toutes un ratio supérieur à seize pour cent en cas de crise (près de 22 pour cent pour la Swedbank). Ratio supérieur à quinze pour cent également pour la danoise Nykredit, la norvégienne DNB et la finlandaise OP Financial Group. Mais seule cette dernière fait partie de la zone euro ! gc