Le recours aux services de cloud computing, c’est-à-dire l’informatique dématérialisée, est un levier de croissance que la Commission entend favoriser. Elle a présenté en ce sens, le 27 septembre, une nouvelle stratégie visant à « libérer le potentiel du cloud computing en Europe ». Il s’agit par diverses actions de promouvoir, tant auprès des administrations que du secteur privé, des services de cloud sécurisés, prévisibles et ouverts.
Cette technologie d’informatique dématérialisée consiste à offrir un stockage et un traitement des données (textes, images, vidéos ou logiciels) sur des serveurs distants et à permettre d’accéder à ces dernières sur différents appareils (ordinateurs, tablettes ou smartphones) en temps réel, de n’importe quel endroit de la planète. Le cloud computing ne nécessite plus d’installations et d’infrastructures informatiques (comme l’adresse électronique) et est, selon la Commission, plus sûr et plus flexible que les systèmes de sauvegarde fixe, et surtout moins onéreux. Selon une enquête faite en 2011, les entreprises qui y recourent réaliseraient entre dix et vingt pour cent d'économies sur leurs frais de stockage informatique.
« Il peut changer la donne de notre économie. Sans action à l’échelle de l’UE, nous resterons cloisonnés dans les bastions nationaux et nous passerons à côté de milliards d’euros d’économies. Nous devons atteindre une masse critique et fixer un ensemble unique de règles pour toute l’Europe », a déclaré Neelie Kroes, la commissaire en charge de la stratégie numérique. Elle estime que cette approche européenne devrait permettre la création de 2,5 millions de nouveaux emplois et contribuer à hauteur de 160 milliards d’euros par an au PIB de l’UE, soit environ un pour cent, d’ici à 2020.
Neelie Kroes a insisté sur les avantages de cette technologie, surtout pour les petites entreprises, qui peuvent ainsi réduire leurs coûts d’au moins dix à vingt pour cent si, au lieu de détenir leurs propres centres de données, elles font appel à un fournisseur de services cloud. Néanmoins le recours au cloud reste limité, faute de garanties suffisantes. C’est pourquoi la première des actions de la nouvelle stratégie consiste en une meilleure défense des droits des utilisateurs. Car si le cloud consiste à faciliter la circulation des données, il faut des garde-fous en matière de protection de ces données. La Commission propose ainsi de développer des modèles types de clauses contractuelles pour les contrats conclus entre consommateurs et petites entreprises qui contiendraient par exemple des dispositions relatives à la conservation des données ou à leur localisation. Des conditions types qui seraient aussi applicables pour les contrats conclus entre les fournisseurs de services de cloud et les utilisateurs professionnels. Elle suggère que les clauses contractuelles applicables au transfert des données personnelles vers les pays tiers soient révisées pour être adaptées aux services de cloud.
La Commission suggère aussi de garantir que les utilisateurs puissent déplacer leurs données d’un fournisseur à un autre et pour cela de définir les normes nécessaires pour assurer l’interopérabilité des systèmes, la portabilité, la réversibilité et la sécurité des données d’ici à 2013. Son action se traduira encore par la création d’un partenariat européen pour le cloud computing, associant les États membres et les entreprises. Ce partenariat fera en sorte que les autorités publiques montrent l’exemple « en utilisant les marchés publics pour promouvoir l'adoption d’un cloud européen, basé sur des technologies ouvertes et s’appuyant sur des plates-formes sûres ».
Les propositions de l’exécutif européen ont été bien accueillies par l’industrie. Stephen Collins de Microsoft estime qu’elles « fournissent un cadre pour plus d’harmonisation, de clarté et d’assurances, ce dont les entreprises ont besoin pour aller vers le cloud et promouvoir la croissance ainsi que l’innovation technologique en Europe ». En revanche, le Bureau européen des unions des consommateurs n’est pas satisfait : cette stratégie, pour Monique Goyens, sa directrice générale, « manque d’ambition pour protéger proprement les consommateurs européens et résoudre les questions clés, telles que la protection des données, le droit d’auteur et les conditions contractuelles ».
Les ONG ont, quant à elles, rappelé que le développement des immenses « fermes » de serveurs pour stocker ces données avaient d’importantes conséquences sur l’environnement. Greepeace souligne notamment que des opérateurs comme Amazon, Appel ou Microsolft « n’accordent pas suffisamment d’attention à la provenance de l’électricité qu’elles consomment et continuent d’avoir largement recours aux énergies sales (charbon, nucléaire) pour alimenter leur cloud, alors que leurs besoins sont exponentiels ».
Christoph Nick
Catégories: L'Union
Édition: 05.10.2012