Les Grecs en ont marre. Ils l’ont fait savoir et à la Troïka en l’accueillant avec une grève générale la semaine dernière et au gouvernement par le biais d’une une motion de censure déposée par l’opposition de gauche. La coalition au pouvoir, dirigée par les conservateurs avec l’appui du Parti socialiste s’en est sorti cette fois de justesse (153 députés l’ont soutenue sur 300 à la chambre, la Vouli) mais jusqu’à quand ? Les bailleurs privés d’Athènes ont déjà consenti un abandon de créances et ceux internationaux (Fonds monétaire international FMI, Commission et Banque centrale européennes) ont évité la banqueroute à la Grèce avec une promesse de 240 milliards d’euros d’aide à Athènes depuis 2010, en échange d’un programme d’austérité draconien.
Mais les six ans de récession que connaît le pays ont détruit quarante pour cent des revenus disponibles des ménages et fait s’envoler le taux de chômage à 27,6 pour cent et la perspective de nouvelles mesures d’austérité est très mal perçue. « Des milliers de gens cherchent leur nourriture dans les poubelles », a lancé Alexis Tsipras, le chef de file l’opposition de gauche Syriza, lors du débat sur la motion. « La lutte continuera tant que le gouvernement maintient des mesures de rigueur dictées par la troïka des créanciers, qui plongent le pays ans la récession, » ont averti les syndicats dans un communiqué.
Le ministre des finances grec, Yannis Stournaras, a reconnu que les discussions avec la troïka étaient « difficiles ». Deux points deblocage principaux expliquent ce différend : le déficit public pour 2014 et le poids de la dette publique.
Sur le premier sujet le gouvernement et la troïka font un bilan divergent de l’action menée. Le premier, tablant sur une reprise de la croissance dès l’année prochaine, avec une hausse de 0,6 pour cent du produit intérieur brut (PIB), estime que l’écart entre le déficit et les objectifs de réduction de la dette est limité à quelque 500 millions d’euros résorbables grâce à la poursuite des réformes, notamment en matière de lutte contre la fraude fiscale. Les bailleurs de fonds internationaux, quant à eux, évaluent ce trou budgétaire par rapport aux objectifs à deux milliards d’euros, car ils anticipent une hausse du déficit du régime des retraites et une diminution des recettes fiscales. Aussi conditionnent-ils des efforts supplémentaires pour obtenir une nouvelle rallonge de prêts de 5,9 milliards d’euros.
L’autre principal point de désaccord concerne la dette qui continue de grimper : elle devrait représenter 174,5 pour cent du PIB en 2014, au lieu de l’objectif de 124 pour cent d’ici à 2020 fixé dans l’accord conclu avec la troïka fin 2012, accompagnant le deuxième plan d’aide.
Dès lors, les Grecs réclament un effacement de la dette. Mais les gouvernements de la zone euro ont jugé impossible d’accepter des pertes sur leurs prêts à la Grèce qu’ils estiment déjà à des taux avantageux pour elle.
Le Luxembourgeois Yves Mersch, membre du directoire de la BCE a estimé, lors d’une conférence à Athènes le 8 novembre, qu’une telle décote ne ferait « rien pour remédier à la faiblesse fondamentale de l’économie grecque », au contraire elle ne contribuerait pas à promouvoir la discipline budgétaire et entraînerait une hausse des coûts sur le long terme.
« Il y aura probablement un troisième programme d’aide à la Grèce », a indiqué l’Allemand Klaus Regling lors d’une conférence de presse à Luxembourg le 6 novembre dernier. Le chef des deux fonds de secours créés pendant la crise de la zone euro pour venir en aide aux États membres en difficulté, le Fonds de secours financier (FESF) et le Mécanisme européen de stabilité (MES), a tout de même précisé « si le pays continue de respecter la conditionnalité de l’aide, les pays européens continueront à aider la Grèce. Il y a encore de l’argent dans les tuyaux pour la Grèce, plusieurs milliards de dollars ».
C’est ce « si » et la teneur des conditions qui posent problème. Il faut éviter de faire déborder le vase ont averti les grecs.