Art contemporain sur l'Expo 2010

Recherche identitaire dans la mégalopole

d'Lëtzebuerger Land du 23.09.2010

C’est dans l’ancien laminoir N.10 de Shanghai que se trouve aujourd’hui le quartier de Redtown. Estampillé « zone créative », cet ancien site industriel regroupe aussi bien le Mao Live House, sorte de Rockhal locale, que le nouveau Minsheng Art Museum, qui vient d’ouvrir ses portes en avril et qui a pour vocation de promouvoir l’art contemporain chinois. Dans cet ensemble s’est également établi le DDM Warehouse, centre d’art contemporain, qui, comme la majorité des lieux d’exposition d’art actuel à Shanghai, est une initiative privée.

Redtown est typique pour ces nouveaux quartiers qui regroupent aussi bien boutiques et restaurants que galeries d’art et musées privés. Moganshan 50 est peut-être l’un des premiers lieux de ce genre a Shanghai, mais semble en perte de vitesse par rapport au site du DDM Warehouse. Dans ce dernier a eu lieu le Artwokshop for visual arts 2010, un atelier de production et de réflection qui se définit comme un programme post-master international dans le domaine de l’art contemporain. L’atelier fait partie du programme culturel pour le pavillon luxembourgeois à l’exposition universelle de Shanghai 20101.

Les organisateurs de cette rencontre entre dix artistes originaires d’Europe et d’Asie ont choisi le sujet des identités pour cet atelier de deux semaines qui a donné lieu non seulement a un séminaire sur le sujet des Moved, mutated and disturbed identities, au Minsheng Museum, mais aussi a une performance dans le pavillon luxembourgeois sur le site de l’exposition universelle ainsi qu’une exposition, très aboutie, au DDM Warehouse.

Le sujet des identités prend une toute autre tournure dès qu’il est recontextualisé dans une mégalopole comme Shanghai (la première partie de ces rencontres avait eu lieu a Luxembourg en 2009). En effet, l’évolution des arts plastiques contemporains peut être compris comme une métaphore pour les évolutions identitaires dans une ville comme Shanghai qui s’est imposée le slogan Better City, Better Life pour la World Expo 2010.

Les arts plastiques contemporains en Chine ont effectivement subi une internationalisation fulgurante durant ces dernières années, et le temps des pionniers dans ce domaine semble désormais révolu. Les préoccupations des artistes contemporains de Shanghai s’articulent pour une partie autour de ce nouveau style international, qu’est devenu l’art des biennales. Mais d’autre part le label « art contemporain chinois » s’est efficacement imposé sur les marchés de l’art. Et c’est justement entre ces deux extrèmes que semble s’orienter la nouvelle recherche plastique dans la Chine contemporaine. L’art chinois d’aujourd’hui a depuis longtemps produit son star système, dont Ai Wei Wei nous semble (à nous européeens) être le représentant le plus emblématique.

Mais cette identification par l’internationalisation, le marché et ses stars, s’avère de plus en plus être une tare pour un milieu artistique toujours émergeant, mais tout de même réduit par rapport à une population de 19,2 millions d’habitants pour la ville de Shanghai à elle seule.

Entre superficiel et théorie , entre kitsch et provoc, entre autoaffirmation et imitation intelligente, tout est permis, mais rien ne fait pour l’instant véritablement avancer les enjeux. Des enjeux artistiques qui vont de plus en plus se confronter à la réalité d’un vie quotidienne dans une métropole ou l’on ne semble penser qu’à l’argent.

La conclusion du Artworkshop.lu coincidait ainsi avec l’ouverture de la Shanghai Art Fair. La biennale de Shanghai de cette année n’ayant pas eu lieu pour cause d’expo universelle (l’une excluant apparement l’autre). Contrairement à la biennale, la Shanghai Art Fair n’est que pur mercantilisme. Un des stands d’exposition étant tout simplement celui d’un constructeurs de bolides allemands.(« Better Car Better Life » ?)

Lors du vernissage de l’exposition du Artworkshop.lu, l’artiste vietnamien Nguyen Anh Tuan avait produit l’effet inverse en invitant le chanteur de rue chinois Tuan Mami a participer à une performance devant le public du vernissage réuni pour célébrer la fin du artworkshop. Intitulée Celebrating the End of a Relaxing Time, cette intervention figurait le dialogue difficile de la réalité de la rue et de l’environnement protégé de l’art contemporain. Pathétique et impressionant en même temps, Nguyen Anh Tuan résumait ainsi, à sa façon, cette incursion de l’artiste contemporain dans le territoire d’un mégalopole shanghaienne en constante mutation2.

Avec les interventions à Shanghai, le Artworkshop.lu en est à sa douzième édition depuis 1998. La première fois organisé à l’étranger, cet événement a donné lieu à des échanges entre Europe et Asie qui ont mené à de nouveaux questionnements sur le rôle que peut tenir l’art contemporain dans le contexte de la recherche identitaire par rapport à une urbanité démesurée.

1 L’auteur est le curateur du programme culturel pour le pavillon luxembourgeois à l’exposition universelle de Shanghai 2010.
Christian Mosar
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