Dans la chaleur de l’été, aussi torride soit-elle, en vacances ou pas, un pied et le moral encore dans la crise du capital qui s’enlace durablement au mollet des pauvres gens et ne se décide pas à s’évanouir pour de bon, quoi de mieux qu’une pause relax dans une oasis d’excitation et de plaisirs charnels pour éveiller les sens humains ? Pour ce faire, Armand Hein, le provocateur tenant de la Galerie Toxic transforme son espace d’exposition en un véritable sexshop, offrant une partouze visuelle aux touristes en villégiatures et citadins trop affairés par les chutes incessantes d’une monnaie unique pas si unique remise en question par la tragédie grecque contemporaine récente en plein centre ville de la capitale. Et pourquoi pas changer de tempérament : du workshop au sexshop ? Laisser l’intellect dans les chaussettes et partir en quête de monts et merveilles de chairs priapiques comme le héros du roman érotique Les Onze Mille Verges d’Apollinaire.
L’exposition de groupe Hot Summer, qui peut heurter la sensibilité des plus jeunes, dont le titre renvoie en effet à la chaleur de l’été, et même si les artistes de l’exposition ne font peut-être pas de sexe en groupe dans la vie réelle, regroupe sept hommes et de deux femmes qui se complaisent finalement assez confortablement bien ici, dans ce salon de curiosités sensuelles, ce bouge toxique estival, cette maison ouverte sur les origines du monde, dans ce bordel avec queues et têtes. Car queues et têtes il y a presque partout. En guise d’amuse-gueules aphrodisiaques, l’artiste Jan Vos présente un Space stick s’envolant dans l’immensité céleste et un phallus déclinant issu d’une boîte en carton sur laquelle apparaît l’inscription Toyota. Allusion certaine à la dégringolade économique de la bombe atomique mécanique japonaise.
Tandis que Pascal Bernier expose des godes bizarroïdes sous cellophane transformant la galerie en étal de sexshop. Laurent Benaïm, lui, a photographié des inconnus masqués invités chez lui en pleins ébats sexuels très hardcore, paires de fesses, fellation et cuisses écartées créent des contrastes dans des clichés à la sauce vintage en noir et blanc et aux encadrements métalliques clinquants et douloureux.
Dans cette orgie ambiante, le passant ne sera pas insensible aux peintures de moyens formats de Stu Mead représentant des scènes allégoriques sorties de contes de fées au style de comics américains où adolescentes et enfants dénudés au fourneau et au foyer s’adonnent à des plaisirs intimes avec des animaux de compagnies et des peluches vivantes. Images de livres d’enfants perverties. Ailleurs, Blanche Neige fait un gangbang avec les sept nains dans la forêt et un zombie de film de série B sortant d’une tombe reluque sous la jupe d’une jeune demoiselle. Grotesque. Plus plastiques, dans les grandes peintures de Nathalie Pirotte des pin-up luxueuses en porte-jarretelles arborent des têtes de lapins très Playboy. Le grand classique.
Dommage de sacrifier une peinture de si bonne qualité sur l’autel de simples motifs érotiques, quoique alléchante au premier coup d’oeil, mais d’une pauvreté intellectuelle remarquablement redondante. Liliane Vertessen met en scène une image de femme vulgaire comme une prostituée dans deux lightbox reliées à des néons, objets abondants dans les quartiers chauds où tous les plaisirs sont en vente. Dans ce spectacle frivole et insignifiant, on retrouve des artistes habitués de la galerie, dont Francis Marshall et ses peintures de saynètes de jeunes femmes lesbiennes se chouchoutant au collège du Rosaire.
Mais que peut-on dire de Hot Summer ? Outre l’interrogation sur l’image de la femme et de l’homme véhiculée dans cette proposition artistique en guise de remède commercial à la crise sous la forme facile d’une exposition légère de l’été qui ne s’attaque pas aux véritables maux rongeant notre société, l’exposition permet de se rincer l’œil et il n’y a pas de mal à se faire du bien. Notons le parti pris très détonnant pour une galerie dans un pays aussi prude que le Luxembourg et un choix très osé de la part du galeriste fonçant tête baissée dans le monde du porno. Ceci rappelle aussi que comme dans d’autres domaines, l’art contemporain n’exclut pas le sexe, et qu’il ne se cantonne pas à un art élitiste d’intellectuel, mais qu’il peut également se limiter à activer les sens et à ne pas faire dans la dentelle.