Lorsque la Chambre des députés se réunira pour la première fois dans sa nouvelle composition sortie des urnes le 20 octobre, mercredi prochain, 13 novembre, l’image sera définitivement différente des trois dernières décennies : le CSV sera dans l’opposition, avec son incontournable star Jean-Claude Juncker comme leader du groupe parlementaire (il reste Premier ministre faisant fonction jusqu’à la nomination du nouveau gouvernement DP-LSAP-Verts, probablement début décembre). Les anciens ministres, ceux qui n’ont jamais connu que l’érotisme du pouvoir, devront d’abord apprendre ce rôle de contrôle et de la majorité parlementaire, et du pouvoir exécutif.
Or, au-delà du CSV, c’est toute la droite catholique qui se trouve à l’écart de ce pouvoir, cette nébuleuse formée autour du parti, l’archevêché et ses médias ainsi que son prolongement social, la Caritas, qui perd ainsi son influence – et son lien organique avec le législateur et le gouvernement. Et si on parle de liens de pouvoir, on parle vite d’argent aussi, de financements publics des pratiques religieuses, de leurs employés ou des bâtiments que l’État ou les communes mettent à leur disposition et entretiennent aux frais de toute la communauté. Ce n’est pas pour rien que la droite au sens large est extrêmement nerveuse depuis le 20 octobre, que le parti, ses émissaires et les croyants traitent les coalitionnaires de tous les noms et leurs reprochent de ne pas respecter la « volonté des électeurs ». Pourtant, alors que les églises sont exsangues, que les enfants ne font leur communion que pour les cadeaux et que le CSV a été mis en minorité lors du vote de la loi sur l’euthanasie, en 2009, cette perte d’influence de l’Église catholique dans la société luxembourgeoise était prévisible depuis un bon moment.
Le DP, le LSAP et les Verts plaident tous les trois, dans leurs programmes électoraux respectifs, pour la séparation de l’Église et de l’État – ce qui tombe sous le sens dans une société sécularisée comme l’est devenu le Luxembourg. Ce n’est donc pas un hasard que c’est le groupe de travail consacré entre autres à la réforme de l’État et des institutions ou encore de la Justice, sous la présidence du dynamique vert Felix Braz, qui est aussi chargée de préparer le consensus des trois partis en ce qui concerne les cultes. Car pour réformer les rapports de force entre les religions et l’État, il faudra aussi changer la constitution, qui prévoit, dans son article 106, que « les traitements et pensions des ministres des cultes sont à charge de l’État ». L’inscription de ces droits, mais aussi des devoirs des religions serait, selon l’ancienne présidente du CSV, ministre, députée européenne et conseillère d’État Erna Hennicot-Schoepges, samedi dernier dans l’émission Background de RTL Radio, une garantie d’un certain contrôle des pouvoirs publics sur ce que font les religions dans le cadre, par exemple, de l’éducation. Elle pense forcément au culte musulman, qui demande, à raison, le même traitement que ses confrères catholiques, israélites, orthodoxes ou protestants. Or, réduire l’influence de l’Église dans la société va forcément de pair avec l’abolition de l’instruction religieuse dans l’école publique et de son remplacement par une éducation aux valeurs laïques. Des projets pilotes avaient été lancés par Mady Delvaux (LSAP), des cours sont prêts, mais c’était irréalisable avec le CSV. La coalition des « modernisateurs » ne pourra pas éviter – au moins – ce geste symbolique.
« Ce gouvernement ne sera pas celui qui mettra l’Église catholique au ban de la société, » avait souligné Lydie Polfer (DP) à l’antenne de RTL Radio Lëtzebuerg il y a deux semaines, avant de souligner que son parti comptait beaucoup de croyants dans ses rangs, mais d’appeler à plus de transparence et d’humilité de la part de l’Église. On sait que pour le formateur et futur Premier ministre Xavier Bettel (DP), de par son expérience de maire responsable du financement de la cathédrale et des autres édifices religieux sur le territoire de la capitale, la réforme des fabriques d’Église est une vraie priorité dans le cadre de la réforme de l’État. Et son fidèle allié Claude Meisch, est en train de faire démolir une église à Differdange et de la remplacer par une place publique avec parking – tout un symbole pour le vent qui tourne.