Un richissime et arrogant homme d’affaires blanc, accusé de violence sexuelle contre une jeune femme noire, choisit deux jeunes et brillants avocats pour le défendre, dont un est blanc, l’autre noir. Ils sont assistés par une jeune et talentueuse stagiaire noire. Alors qu’ils hésitent d’abord à prendre l’affaire, ils sont peu à peu engloutis dans les méandres du système juridique américain et se retrouvent à la merci des médias qui se sont bien sûr emparés d’une histoire aussi juteuse.
Le spectateur est plongé dans une sordide affaire juridique où les conventions morales et sociales se heurtent aux ambitions des deux avocats aussi cyniques que manipulateurs. Mais qui manipule qui ? Faut-il croire à un complot ou est-ce une simple histoire de viol, faussée par des stéréotypes ? Où s’arrête la stratégie juridique construite sur les aprioris raciaux et où commence le véritable sentiment de culpabilité des blancs envers les noirs ? Le débat sur la culpabilité ou l’innocence de leur client fera surfacer auprès de tous des insécurités et des doutes bien enfouis jusque-là. L’intrigue est construite de façon à faire chavirer les convictions du spectateur et à sans cesse remettre en question les propos et les gestes des personnages, comme une course-poursuite qui se termine finalement sur un étonnant retournement de situation.
Contrairement à ce que l’on attend d’une intrigue autour de la question raciale, généralement jalonnée de non-dits et de subtils jeux de mots pour éviter d’offenser ou de (soi-disant) dénigrer les uns et les autres, les dialogues sont francs et dépouillés de toute pruderie. La mise en scène fait honneur au style de Mamet (« Mametspeak ») concocté de langage profane, de répartie résolument directe et de déclarations politiquement incorrectes.
David Mamet, récompensé du Prix Pulitzer et d’un Bafta pour son oeuvre provocante d’écrivain de théâtre, mais aussi connu des cinéphiles pour son travail de scénariste (Hannibal, Wag the Dog, The Untouchables) ose thématiser le sentiment de culpabilité et d’ambigüité qui plane encore et toujours entre les blancs et les noirs aux États-Unis. L’inégalité devant la justice a été vue et revue (on ne peut s’empêcher de tirer des parallèles avec le brillant A Time to Kill de John Grisham), mais Race apporte une certaine légèreté et même des pointes d’humour au sujet.
Steeve Brudey, en avocat sarcastique, réussit à faire sourire sans basculer dans le ridicule. Par contre, Sandy Lewis Godefroy, dans le personnage de la jeune stagiaire, reste quelque peu en surface et semble effacée, malgré son rôle-clé dans le dénouement et l’évolution du personnage. Si le début de la pièce paraît décousu et peine à démarrer, le spectateur est rapidement pris dans les filets des personnages aussi complexes que déroutants et des dialogues mitraillettes débités avec une aisance déconcertante. Les personnages évoluent devant nos yeux et créent une intrigue haletante, portée par un excellent Jérôme Varanfrain. Nathalie Medernach