Après s’être dématérialisé et avoir appris à s’escamoter de nos écrans tactiles lorsqu’il n’est pas utilisé, le clavier est appelé à s’améliorer encore de manière significative en faisant appel à de l’intelligence artificielle. C’est ce que préfigure Swiftkey Neural Alpha, une app disponible pour Android depuis quelques semaines.
Swiftkey, une startup londonienne, propose depuis quelques années un excellent clavier virtuel proposé sur les boutiques d’applications mobiles, avec un dispositif « apprenant » qui se nourrit des textes écrits et lus par l’utilisateur, ainsi que de ressources lexicales, pour deviner, avec une précision remarquable, le prochain mot qu’il souhaite taper. Cette solution permet par exemple de suggérer « retard » si vous avez commencé à écrire « je vais être en … » ou « l’œil » si vous avez composé « au doigt et à …». Pour optimiser les résultats, l’utilisateur doit accepter que l’application ait accès à ses messageries et réseaux sociaux, ce qui suppose qu’il lui fasse entièrement confiance en matière de confidentialité. Elle va alors par exemple pouvoir en toutes circonstances compléter votre adresse ou votre numéro de portable. Swiftkey propose aussi une fonction « flow » très efficace qui permet de taper des mots en traçant des figures sur le clavier, plutôt que de saisir les lettres une à une. D’autres applications comparables s’essaient aussi à cet exercice consistant à rendre le clavier plus intelligent, notamment Swype, Fleksy, Minuum et TouchPal, mais de l’avis général, Swiftkey domine aujourd’hui ce marché.
À présent, souhaitant aller plus loin dans sa capacité à devancer les choix de l’utilisateur, Swiftkey fait appel à de l’intelligence artificielle embarquée dans l’application elle-même. Celle-ci ne fait donc pas appel aux ressources de calcul d’un serveur distant, ce qui prendrait beaucoup trop de temps, mais bien à celles de terminal de l’utilisateur, pour mieux anticiper et suggérer le prochain mot à venir. Au lieu de se contenter de deviner le prochain vocable à l’aide des trois mots précédents et des segments de phrase rédigés précédemmment, cette nouvelle version du clavier utilise un modèle linguistique de type « réseau neuronal », qui parvient à identifier le contexte sous-jacent en analysant un segment de texte plus conséquent, tout en apprenant au fur et à mesure, comme l’application existante. Alors que l’application principale est disponible dans un grand nombre de langues, la version « neuronale » n’est pour l’instant proposée qu’en anglais.
La question s’impose : est-ce vraiment d’intelligence artificielle et d’imitation du fonctionnement du cerveau humain qu’il s’agit ? Cette petite application, qui pèse tout juste 25 MB, en est-elle vraiment capable ? En comparant la version classique et la version dite neuronale du clavier, on constate en tout cas que les suggestions de cette dernière s’inspirent d’un groupe de mots précédents plus conséquent et qu’il en résulte des phrases plus sensées, ce qui est déjà en soi un progrès. Que cette ressource fonctionne même en l’absence de réseau, contrairement aux autres ressources d’intelligence artificielle que sont les assistants virtuels comme Siri et Cortana, est aussi un élément positif en ce qui concerne la vitesse de prédiction qu’on peut espérer de l’application.
Aussi bien Android qu’iOS ont adopté progressivement une partie des progrès apportés par les applications tierces à leurs claviers standards embarqués, dont les suggestions et le « flow ». Pour survivre, les claviers alternatifs doivent donc s’efforcer de se distinguer par une plus grande rapidité et des suggestions plus précises. Interface que certains ont voulu vouer aux oubliettes de la technologie grâce notamment aux progrès de la saisie vocale, le clavier, devenu virtuel mais restant un carrefour critique de nos interactions avec l’univers numérique, recèle sans doute encore de quoi nous surprendre et de nous faciliter la vie.