Le très engagé « restez gruppiert » lancé par le Premier ministre Jean-Claude Juncker (CSV) devant la presse vendredi dernier, 5 octobre, soit une heure de cours magistral pour contextualiser et défendre le projet de budget d’État pour 2013, déposé trois jours plus tôt par le ministre des Finances, Luc Frieden (CSV), n’aura servi à rien : en début de cette semaine, les deux groupes parlementaires de la coalition tiraient à nouveau à hue et à dia, indisciplinés au possible. Comme s’ils avainet découvert les grandes lignes du projet de budget en même temps que le public
Et critiquant soit, comme le CSV dans un communiqué, que les mesures d’austérité proposées par Luc Frieden et devant faire économiser moins de 200 millions d’euros à l’État ne suffisent pas, qu’il faudrait faire des efforts supplémentaires de l’ordre de 250 millions. Ou mettant au pilori, comme le président du groupe parlementaire socialiste, Lucien Lux, lors d’une longue conférence de presse mercredi, une communication gouvernementale désastreuse (« suboptimal ») autour du budget, qui déstabiliserait tout le pays avec un discours d’austérité au lieu de résoudre le problème du déséquilibre budgétaire et mettrait le parlement devant le fait accompli au lieu de chercher des solutions dans le dialogue.
Et de donner, en exemple, la réforme annoncée du forfait d’éducation (dit Mammerent) : Luc Frieden a promis qu’il sera supprimé pour les femmes ayant travaillé et disposant déjà d’une assurance-pension ? « Il n’en a pas touché un mot lors de la réunion de concertation à Senningen, » s’insurge Lucien Lux, promettant que cette mesure ne passera pas avec les socialistes au pouvoir. Et puis, Lux voudrait par la même occasion savoir comment le gouvernement compte en arriver à une plus grande sélectivité sociale. D’ailleurs, beaucoup de pistes pour améliorer le côté des recettes, en faisant une grande réforme des impôts, avec une augmentation conséquente de l’impôt minimal pour les entreprises ou en analysant point par point les abattements et autres avantages fiscaux en vigueur actuellement, restent à sonder, selon Lucien Lux.
Donc voilà, à première vue, une situation rocambolesque : les socialistes, comme le CSV, ont annoncé qu’ils allaient déposer des amendements à ce projet de budget – alors que l’opposition, par exemple les Verts, ne veulent pas en faire, découragés par le fait que leurs propositions ne passent même pas les instances jusqu’au Conseil d’État. Est-ce pour autant un désaveu pour Luc Frieden, critiqué, voire abandonné par les siens ? Et est-ce si nouveau ? Ce n’est pas si sûr : la procédure rappelle d’autres exercices similaires, lorsque, à droite, Michel Wolter, alors président du groupe parlementaire CSV, aimait déjà à encourager le précédent gouvernement à plus de rigueur, ou lorsque, à gauche, Nicolas Schmit jouait son Che en marge des discussions de la tripartite, l’année dernière.
Ce qui donne donc, au premier abord, l’impression d’un tas d’individualistes incontrôlables, tous embrouillés entre eux, sans plan pour leur sortie de crise, pourrait aussi s’avérer être une machine de guerre redoutable, qui défend des idées radicalement libérales et timidement sociales à la fois, qui propose tout et son contraire, qui peut faire focaliser sur les 10 000 mères qui risquent de perdre leur forfait d’éducation et en faire une profession de foi tout en acceptant de se voir reprocher sa propre incapacité au changement (cette Remodernisierung voulue par Jean-Claude Juncker) – ...et en faisant, mine de rien, passer la réforme des retraites en catimini en décembre. La stratégie – si stratégie il y a – est tellement efficace que l’opposition reste bouche bée et est réduite au rang de spectateur du spectacle. C’est aussi un des avantages d’une grande coalition.
josée hansen
Catégories: Famille, Finances publiques, Gouvernement, Politique sociale
Édition: 12.10.2012