« Cala Boca Galvão ! » Durant la Coupe du Monde de football, cette expression peu amène (« ta gueule Galvão ! ») a été parmi les plus tweetées. À qui donc en voulait-on ? Carlos Eduardo dos Santos Galvão Bueno est le commentateur sportif de la principale télévision brésilienne, Rede Globo : c’est donc, surtout en période de Mondial, une célébrité incontournable. Mais Galvão Bueno ne fait pas l’unanimité. Nombreux sont ceux qui sont irrités par ses envolées lyriques émaillées de clichés éculés. Certains ont comparé son degré de nuisance à celui des vuvuzelas, ce qui n’est pas peu dire. Ceux qui le détestent et se servent de Twitter, qui a connu un pic historique d’utilisation durant la Coupe du Monde, s’en sont donnés à cœur joie. La campagne anti-Galvão a commencé dès la cérémonie d’ouverture de la compétition. Par moments, l’expression déferlait sur la plateforme de microblogging à raison d’une par seconde – un véritable phénomène de masse.
Au point de donner l’idée à des plaisantins de surfer sur cette vague pour lancer un canular en ligne. Ce hoax a réussi au-delà de toute espérance – un modèle du genre. « Cala Boca Galvão » est une campagne pour sauver un oiseau tropical menacé d’extinction, le galvão, affirmaient ces plaisantins sur leur blog ; tweetez l’expression et pour chaque tweet recensé dix cents seront versés à la campagne par le Galvão Institute – un institut bidon spécialement créé pour l’occasion. En moins de temps qu’il n’en faut pour lancer un logiciel d’édition vidéo, un clip faisait son apparition sur YouTube pour appuyer la campagne, affirmant sur un ton dramatique que le volatile est chassé parce que ses plumes sont utilisées pendant le carnaval. La sauce allait prendre très rapidement auprès d’internautes non-lusophones, certains se laissant peut-être abuser par la proximité entre « galvão » et « gavião » (faucon). Il y a même eu un faux clip attribué à Lady Gaga, censée s’engager en faveur du sauvetage du galvão, et les paroles fictives d’une chanson de la vedette répétant l’invective contre le commentateur sportif. L’auteur à succès brésilien Paulo Coelho n’a pas résisté à la tentation et y est à son tour allé de son canular, affirmant que cala boca galvão était un médicament homéopathique également connu sous le nom « silientium galvanus » – apparemment l’écrivain n’apprécie pas non plus les commentaire de Galvão Bueno : il aura sans doute rejoint ses compatriotes qui choisissaient, en désespoir de cause, d’assourdir leur téléviseur pendant les matches.
Le galvão, on l’aura compris, n’est pas une espèce menacée ; le mot est tout juste un patronyme. Sur son blog, un ornithologue averti qui utilise le pseudonyme Grrlscientist s’est amusé à décortiquer les images de perroquets qui ont accompagné ce canular. Outre le perroquet classique du Nouveau Monde, il a identifié sur certaines vidéos un autre perroquet qui ne vit qu’en Nouvelle-Guinée, dans le Pacifique sud, le pseudeos fuscata. Un autre clip présentait un oiseau brésilien qui n’existe plus qu’en captivité, le cyanopsitta spixii.
En tablant, à juste titre, sur le fait que personne ne se donnerait la peine de vérifier les données de base relatives à la campagne censée sauver le galvão, les « cyberpranksters » brésiliens ont montré, si besoin en était, à quel point il est facile d’abuser l’homo sapiens internautus attelé à sa souris. Après que le canular eut atteint le top du classement des expressions les plus tweetées, à la mi-juin, et alors que les internautes brésiliens assistaient, médusés, au succès planétaire de leur plaisanterie, un autre tweet était lancé et faisait le tour du monde, vendant la mèche : « Cala boca galvão is the biggest insider joke in history. A whole country is laughing and the rest of the world doesn’t understand anything ».