Des adolescents, installés devant leur webcam, se déshabillent, dansent ou prennent des poses lascives. Certains s’embrassent ou se caressent tout en suivant avec attention les incitations reçues d’autres internautes à aller plus loin dans leur exhibition en ligne. Cela se passe sur Twitcam, une application qui automatise la publication de flux vidéo par le biais de la plateforme de microblogging Twitter. Révoltée par une scène de ce type qu’elle voit sur son ordinateur dans la nuit du 25 juillet, une internaute alerte la police. C’est un inspecteur spécialisé en criminalité Internet dans l’État brésilien du Rio Grande do Sul, Emerson Wendt, qui est chargé de l’enquête. Il reconstitue ce qui s’est passé cette nuit-là : tout en enlevant ses vêtements, une adolescente s’engage à passer à l’acte devant la webcam avec son partenaire si le nombre de personnes suivant la scène en temps réel dépasse les mille. Elle a quatorze ans, lui seize. Le cap des mille voyeurs est atteint, mais finalement la jeune fille renonce. Plus tard, sa mère racontera qu’elle dormait pendant que le striptease se déroulait dans le salon. « Je n’ai su qu’après, quand j’ai vu (les images) à la télé, avec elle. C’est elle qui m’a dit que c’était elle, et je me suis dit ‘ce n’est pas possible’. Je ne savais pas quoi dire, j’ai eu très peur. Toutes ces conversations que nous avons eues, ça n’a servi à rien », se lamente-t-elle.
La presse s’empare de l’affaire, qui va occuper la Une des quotidiens et les journaux télévisés. L’opinion brésilienne découvre, médusée, l’exhibitionnisme auquel se livrent de jeunes internautes, sans y être forcés et sans gagner d’argent, motivés simplement par l’envie d’être « suivis », autrement dit d’augmenter leur audience sur le Net. En l’occurrence, il y a certes eu diffusion d’images pédophiles, mais ce sont les adolescents eux-mêmes qui les ont diffusées. La police, qui a rendu visite aux deux jeunes utilisateurs de Twitcam, recommande des travaux d’intérêt collectif à titre de sanction pour des actes contraires au « Statut de l’enfant et de l’adolescent » en vigueur au Brésil. Les forces de l’ordre menacent aussi d’identifier et de poursuivre les quelque 12 000 personnes qui ont téléchargé la scène, mise à disposition par d’autres internautes sur le site de partage 4shared. Mais cette menace fait tout juste glousser sur les blogs.
Sur le réseau social Orkut, qui appartient à Google et est particulièrement populaire au Brésil, des pages recensent les adresses de webcams où des jeunes s’effeuillent et donnent des conseils aux voyeurs sur leurs commentaires, l’objectif étant de ne pas effaroucher ceux qui s’exhibent en ligne. Bien entendu, les parents des enfants concernés ne sont pas au courant. Comment faire face, se de-mandent les éditorialistes et experts ? Des psychologues interviennent pour recommander aux parents de s’inté-resser davantage aux activités en ligne de leurs enfants. Rares sont les com-mentateurs qui croient à la répression : la plupart recommandent plutôt aux parents d’intensifier le dialogue avec leurs enfants, en insistant sur le caractère irréversible de la diffusion d’images compromettantes sur le Net et son possible impact sur leur vie future, et en particulier leur carrière.
Twitcam est une application lancée récemment par Livestream, proposant des services de flux vidéo pour toutes sortes d’utilisation et de plateformes. Évidemment, l’utilisation de webcams à des fins d’exhibitionnisme et de voyeurisme est aussi ancienne que les webcams elles-mêmes. Mais jusqu’ici, la pratique était confinée à des publics restreints, sur le modèle des peep-shows. Twitcam innove en conjuguant la formidable popularité de Twitter et la possibilité de diffuser un flux vidéo issu de la webcam d’un internaute à des milliers d’internautes en temps réel. Les voyeurs de service s’occupent d’immortaliser les tristes séances en les publiant sur les réseaux de partage de fichiers.