Fring, une application de vidéoconférence pour terminaux mobiles, a été banni par Skype il y a quelques jours, après quatre ans de coexistence entre les deux applications et dans des circonstances passablement orageuses. Skype, pionnier et leader de la téléphonie sur Internet, a apparemment réagi de la sorte au lancement par Fring d’une version de son logiciel pour I-Phone. Entre les décla-rations des deux sociétés, on a cependant du mal à comprendre ce qui s’est vraiment passé.
Société basée à Ramat Gan près de Tel Aviv, Fring a indiqué avoir été menacée de poursuites en justice par Skype. Juste avant, la semaine dernière, la mise en ligne de son application pour I-Phone avait apparemment débouché sur une formidable augmentation de l’utilisation de bande passante liée à l’utilisation de Fring, vraisemblablement par des utilisateurs d’I-Phones séduits par cette nouvelle possibilité de communiquer par vidéo depuis un terminal mobile. C’est à la suite de ce pic de consommation que Fring aurait dû cesser momentanément de supporter Skype. Toutefois, ce dernier, accusant la société israélienne de ne pas (ou plus ?) respecter ses conditions d’utilisation, a demandé que le support ne soit pas restauré, mettant fin à la coexistence pacifique avec Fring qui se traduisait jusque-là par une interconnectivité relativement surprenante entre ces deux concurrents. Fring, de son côté, a reproché à Skype de s’être livré à une « embuscade anti-concurrentielle ». Son CEO, Avi Shechter, a déclaré: « Nous sommes déçus que Skype, qui autrefois défendait la cause de l’ouverture, cherche à présent à museler la concurrence, même au détriment de ses utilisateurs ». Skype a indiqué dans sa réponse : « Nous avons été en discussion pendant quelque temps avec Fring pour résoudre ceci à l’ambiable ».
Pour le magazine en ligne Wired, quelles que soient les circonstances ayant débouché sur cette rupture, « nous venons tous de perdre une formidable option ». Wired demande au passage pourquoi il n’existe pas d’application Skype pour I-Phone supportant la vidéoconférence, pointant du doigt le problème qui limite depuis des années le développement de la téléphonie mobile sur Internet. Manifestement, Skype lui-même est depuis des années en situation de délicatesse avec les opérateurs de réseaux mobiles, qui craignent de voir les utilisateurs s’em-parer de la téléphonie sur Internet (VoIP) pour réduire leur facture, surtout pour les communications internationales souvent lourdement taxées. D’un autre côté, les opérateurs ne sont pas en mesure de bannir complètement les applications de VoIP proposées à leurs clients, se contenant de surveiller jalousement leurs caractéristiques pour s’assurer qu’elles ne tuent pas la poule aux œufs d’or.
Pour autant, il est clair que la vidéoconférence sur mobile est appelée à se généraliser rapidement. L’I-Phone 4 possède ainsi une caméra faisant face à l’utilisateur. Ce n’est pas le premier téléphone mobile muni de cette caractéristique, mais le succès commercial auquel il est promis est un signe qu’il sera bientôt naturel de voir la tête animée de son correspondant durant les appels. Certes, il faudra pour cela se trouver sur un réseau présentant un minimum de bande passante (WiFi, 3G ou 4G). Skype a cherché à s’attirer les bonnes grâces des opérateurs de réseaux mobiles ces dernières années en concevant ses applications pour téléphones mobiles de façon à ce que ses différentes façons de se connecter pour des conversations téléphoniques passent par le réseau voix des opérateurs, plutôt que sur le réseau données : une solution qui passe par des accords de partage de revenu et permet aux opérateurs de garder la haute main sur ce qui transite sur leurs canaux. Fring, de son côté, mise sur la connexion données des utilisateurs, ce qui prédispose les opérateurs à voir l’application d’un mauvais œil. Il est donc fort probable que ceux qui ont vraiment causé la séparation fracassante entre Skype et Fring soient un ou plusieurs « telcos » protégeant leurs intérêts face aux francs-tireurs du VoIP.