Le troisième numéro de la revue de la section Arts et Lettres de l’Institut Grand-Ducal a paru en 2013. Le lire en 2014, soit un an plus tard, ne devrait pas lui porter ombrage, car ce que l’on attend de telles publications, c’est une intemporalité doublée d’un caractère scientifique. Mais voilà, anniversaire (les cinquante ans de la section, laquelle a été fondée en 1962, quasi un siècle après l’Institut !) oblige, ce troisième numéro s’apparente à une collecte de tribunes des membres de la section. Les contributions au libre cours, classées alphabétiquement d’après le nom de leur auteur, se suivent donc sans se ressembler et engendrent chez le lecteur déception ou contentement, voire jubilation, selon.
Pour finir en beauté, commençons par ce qui n’avait pas lieu d’être, dont le bilan dressé par Frank Hoffmann du TNL, à savoir le théâtre qu’il dirige – le bilan du lieu qu’il dénomine « l’autre théâtre » est bien entendu laudatif, mais gardons les pieds sur terre ; le TNL a une ligne artistique, germanophone et germanophile, mais n’est pas plus international que le Théâtre des Capucins l’était dans un autre registre –, l’hommage de Lex Jacoby au graveur et peintre Roger Bertemes – que seul l’Espace mediArt semble ne pas avoir oublié en continuant à exposer ses œuvres –, Lard pour lard de Paul Maas ou la propension des auteurs luxembourgeois, Roland Harsch, Nico Helminger, Lex Jacoby, Roger Manderscheid, Guy Rewenig et Jacques Wirion – juste six noms, et d’hommes de surcroît, pour résumer la littérature luxembourgeoise ? – à exagérer des jeux de mots, un nébuleux Poètes des grands larges de Félix Molitor, ou la promotion d’Alex Reuter, de l’asbl Namasté, une troupe de théâtre scolaire, dont il est le président.
Qu’attend-on d’une telle revue ? Qu’elle nous nourrisse et nous hisse plus haut et loin. Et qu’elle fasse fi des modes. L’ont compris Joseph Kohnen, lequel dissert sur l’écrivain allemand populaire puis tombé dans l’oubli Jean Paul ; Paul Lesch, qui, à travers un juste hommage rendu à Batty Weber (1860-1940), écrivain et journaliste, déroule toute une bobine cinématographique – les prémices du cinéma au Luxembourg, les détracteurs de ce qui fut longtemps considéré comme une sous-culture, incitatrice à la débauche, selon l’Église, et même à la criminalité, selon la police, l’avènement des critiques de films dans la presse et des films parlants et les préférences linguistiques des Luxembourgeois entre autres –, et Loll Weber, qui livre une critique de l’Essai historique et musicologique comparé sur le vocabulaire musical, son écriture mélodique et rythmique jusqu’a l’époque du plain-chant ; suivi d’un commentaire introductif au Sacramentaire et antiphonaire d’Echternach du musicologue Paul Ulveling, paru en 1982.
Parmi les membres contributeurs, certains ont opté pour des cadeaux, des dons d’eux-mêmes. Au rang desquels Pol Putz et Raymond Schaack, qui offrent de leur poésie, Luc Ewen qui expose de ses photographies, Pit Nicolas de sa sculpture et Nico Thurm de ses recherches géométriques. Armand Strainchamps, quant à lui, juxtapose une de ses peintures et une citation du photographe français Raymond Depardon (« C’est quoi une image ? C’est travailler avec le présent et le passé. Ce que l’on fait, c’est tout de suite du passé. Et puis, après, quand on le revoit, on est content parce qu’on retrouve du passé au présent. Donc, il y a en même temps une souffrance et une jouissance. »), une citation dont la fin est magnifique et à méditer, mais peut-on pour autant se l’approprier ?
Au rang de ces présents, il y en a au moins deux dignes de la hotte du Père Noël : un CD a priori enregistré en public sur lequel Anise Koltz, dont on oublie qu’en plus de s’être forgée une renommée internationale est membre de l’Académie française Mallarmé, lit de ses poèmes, extraits du recueil La Muraille de l’Alphabet, entrecoupés de trois intermèdes musicaux signés Camille Kerger, Claude Lenners et Alexander Müllenbach, et des pensées en prose de Lambert Schlechter, numérotées de 1 à 10 et réparties sur cinq pages – et 10 x 5 = 50(e anniversaire) et on se pousse à croire que ce n’est pas dû au hasard –, des pensées à la fois sautillantes et raisonnées, le lutin a beau nous faire constamment passer de l’alpha à l’oméga, on est sidéré de réaliser les touts et entités qui se forment. Comme quoi, tous les nombrils ne font pas le même effet.