Production audiovisuelle

Un secteur animé

d'Lëtzebuerger Land vom 26.07.2019

Un système de financement encore attractif, une position stratégique au cœur de l’Europe, une vingtaine de sociétés de production actives, plusieurs centaines de personnes qui en vivent, ça pourrait franchement aller pire. Malgré des interrogations croissantes et des batailles incessantes entre les concernés, le secteur de l’audiovisuel reste florissant au Grand-Duché. Ceci est d’autant plus vrai pour le secteur de l’animation. À l’instar de l’Alta (Associations des techniciens de l’audiovisuel) du Lars (l’association des réalisateurs et scénaristes) ou encore de l’Ulpa (Union luxembourgeoise de la production audiovisuelle), la FMAIV (Fédération des métiers de l’animation et l’image virtuelle), bien que discrète jusqu’à peu encore, entend bien se faire un nom.

Le nouveau comité de la fédération, élu en mars 2019, se compose de Pierre Urbain (président), Emmanuelle Vincent (vice-présidente), Fred Neuen (secrétaire général) et Stephan Roelants (trésorier). Même si l’Oscar remis à Laurent Wiltz et Alexandre Espigares pour Monsieur Hublot en 2014 a placé le Luxembourg sur la carte du cinéma mondial, les racines de l’animation sont plus anciennes dans le pays. Il convient de rappeler que dans les années 1990 déjà, Paul Thiltges avait co-produit La freccia azzurra et surtout Kirikou et la sorcière, énorme succès et indispensable conte, culte parmi les films-cultes. Au Grand-Duché, on aime les films d’animation, ou du moins on aime les financer. D’après les statistiques partagées par la fédération, depuis 2014, le Film Fund Luxembourg a soutenu le secteur de l’animation à hauteur de 58 millions d’euros, à savoir trente pour cent du budget total alloué à la production audiovisuelle.

La création d’un espace de discussion entre ses membres, la mise en place de formations spécifiques, la constitution d’une passerelle d’échanges entre la FMAIV et le BTS dessin d’animation, jusqu’à peu unique cursus d’animation au sein du pays, sont d’autant d’objectifs que s’est fixée la FMAIV, pour traiter les différentes problématiques liées au secteur de l’animation. Un secteur plus qu’animé, excusez du jeu de mots

Premier paradoxe, les co-productions luxembourgeoises s’exportent bien mais sont boudées par le public autochtone, pourtant directement concerné. Deux exemples récents peuvent illustrer ce propos. Croc-Blanc (pour Bidibul productions) et Pachamama (pour Doghouse films) ont été vu respectivement par 500 000 et 250 000 spectateurs en France. Tous deux ont été joliment accueillis par la critique, le second a d’ailleurs été nommé aux Césars. Pourtant, selon les chiffres du CNA, le premier n’a atteint que la 72e place du box-office luxembourgeois en 2018, avec 3 627 entrées payantes, tandis que le second, la 94e, avec 2 144 entrées payantes (3 000 dit-on du côté des producteurs).

Cela se saurait si les entrées payantes avaient de l’importance dans le pays et si elles avaient déjà engendré ne serait-ce qu’un seul retour sur investissement. Le contre-exemple récent de Superjhemp Retörns avec ses plus de 53 000 entrées payantes, mis à part, les productions ou co-productions autochtones présentent souvent peu d’intérêt pour les spectateurs.

Pierre Urbain souligne donc l’importance d’estampiller les films made in Luxembourg et de communiquer davantage. Pourquoi les films d’animation luxembourgeois se font systématiquement devancer par les productions américaines ? La presse joue-t-elle suffisamment le jeu ? « L’omnipotence de Kinepolis » pose-t-elle problème ? Beaucoup de questions, beaucoup de réponses possibles, d’où l’intérêt pour la FMAIV de faire connaître son secteur au grand public.

Autre point de discussion, la rémunération, comme souvent. Contrairement au secteur bancaire par exemple, les studios d’animation adaptent leurs salaires aux standards étrangers, français et belge notamment. La majorité des employés du milieu restent ainsi des frontaliers. Dans la section commentaires d’un article publié sur la version en ligne de l’Essentiel, des internautes se chiffonnent sur le sujet. « Il est difficile de concurrencer les conditions acceptées par la main d’œuvre majoritairement frontalière, en étant citoyen résident au Luxembourg », annonce une résidente. La réplique d’un concitoyen est cinglante : « Ne pensez-vous pas que votre incompatibilité avec le secteur est plutôt une affaire de compétence ? »

Parmi les 90 techniciens et artistes de l’industrie de l’animation du pays affiliés à la fédération (qui englobe le cinéma, mais aussi le jeu vidéo et tout ce qui touche à l’image virtuelle), la plupart ont été formés à l’étranger, et pour cause. Pendant vingt ans, seul un BTS dessin d’animation au Lycée des Arts et Métiers proposait un véritable cursus autochtone pour répondre aux besoins croissants de talents. Selon Pierre Urbain encore, de plus en plus d’anciens élèves issus de ce BTS intègrent le milieu. Seul hic, la formation est plutôt orientée 2D, ce qui limite d’emblée leur champ de compétence. Depuis cette année, un bachelor en dessin d’animation est proposé par l’Université du Luxembourg. À voir donc les futures retombées.

Plus d’informations sur fmaiv.lu.

Kévin Kroczek
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