C’est compliqué la religion. Les hommes encore plus. Ce n’est pas le poète néerlandophone Jacob Israël de Haan qui l’aurait nié. Juif ultraorthodoxe, il ne savait parfois pas trop si c’est pour prier Dieu ou pour rencontrer des garçons arabes qu’il se rendait le soir au Mur des Lamentations : « Waarom ga ik op ‘t avonduur,/ Het teder avonduur, naar de Heilige Muur ?/ Omdat mijn hart tot God zijn smarten klaagt ?/ Of omdat Hassan daar mij vleit en vraagt ? » Le 30 juin 1924, il fut assassiné, à la sortie de la synagogue par un membre de la Haganah, une organisation sioniste paramilitaire. Non pas parce qu’il aimait les garçons, mais parce qu’il aimait les Arabes.
Le nouveau ministre de l’Éducation israélien et leader du parti d’extrême droite Le foyer juif, Rafi Peretz, n’aime ni les uns, ni les autres. Interviewé sur la chaine israélienne Keshet 12, le 13 juillet dernier, il déclarait être en faveur des « thérapies de réorientation sexuelle » à l’égard des homosexuels. Ses déclarations déclenchèrent une véritable tempête sur les réseaux sociaux et furent condamnées, y compris par de nombreux membres du gouvernement de transition de Benjamin Netanyahou. Ce dernier déclara que ces « propos inacceptables » ne reflétaient pas la position de son gouvernement. Peretz fit bien vite marche arrière. Dans une lettre aux directeurs d’école, envoyée le 16 juillet, il expliquait être tout à fait opposé à ce genre de thérapies.
Au Luxembourg aussi, l’affaire fit des remous. Pour protester contre les propos de Peretz, Xavier Bettel informa l’ambassadrice d’Israël en Belgique et au Luxembourg, Simona Frankel, qu’il ne viendrait pas au dîner d’adieu qu’elle donnait pour marquer son départ vers des cieux plus cléments. D’après le Jerusalem Times, une drôle d’atmosphère régna lors du dîner, puisque la chaise du Premier ministre luxembourgeois, connu comme ami d’Israël, resta vide à la table d’honneur.
En réduisant Israël aux propos d’un de ses ministres, condamnés par ses pairs et une grande partie de la société israélienne, Xavier Bettel (DP) semble être tombé dans le piège de ceux qui, à toute occasion, appellent au boycott de l’État hébreu. L’argument comme quoi on doit être particulièrement sévère envers ses amis et alliés ne tient que difficilement la route, étant donné qu’au sein des institutions européennes, Bettel doit régulièrement serrer la main et collaborer avec des représentants de gouvernements de coalition qui incorporent des partis ouvertement xénophobes, homophobes, islamophobes, antitziganes et antisémites. Des tenants d’idéologies identitaires et exclusivistes qui ne sont pas sans rappeler l’ultranationalisme religieux du Foyer juif. La différence étant cependant que l’existence même de l’Italie, de l’Autriche et des autres pays européens où l’extrême droite a son mot à dire n’est pas menacée.
Toutefois Peretz n’est pas seulement le produit de la menace. Il est aussi menaçant. Lors du même entretien télévisé, il déclara son soutien à l’annexion de la Cisjordanie toute entière, sans accorder de droit de vote aux Palestiniens. Un rappel que si, certes, il n’aime pas les garçons, il aime encore moins les Arabes.