Les jours rudes arrivant, les animaux de nos forêts se préparent à hiberner. Ils rassemblent des noisettes pour l’hiver, se confectionnent d’épais et confortables matelas de feuilles mortes et ferment la porte de leur terrier pour plusieurs mois. Chez les êtres humains, également, l’hiver 2014 s’annonce particulièrement propice aux longues journées à ne rien faire, affalé sur le canapé, portes et volets clos, provision de bière et de plats cuisinés bien rangés dans le frigo.
Oubliez le Mantelsonndeg, oubliez le marché aux jouets, l’événement commercial de l’automne risque de se passer ailleurs. Oubliez d’ailleurs toute tentative de prendre contact avec une personne de moins de trente ans à partir de fin novembre. Dans un peu plus d’un mois, la Play Station 4 de Sony et la Xbox One (comprendre la numéro 3trois) de Microsoft seront disponibles. Amazon annonce déjà que les commandes passées après le mois d’août ne seront vraisemblablement pas honorées le jour de la sortie de la console, pourtant fixé au 29 novembre. Si le père Noël devrait s’en tirer sans avoir à sortir son traîneau, Saint-Nicolas risque de devoir faire la queue devant Saturn ou Hi-Fi International.
Même les plus réfractaires aux manettes et aux écrans ont bien dû s’en rendre compte : Que ce soit l’été dernier, à travers une soirée Just Dance au camping des flots bleus, où, sous vos yeux ébahis, des gamines entre six et neuf ans se déhanchaient comme des strip-teaseuses concourant au championnat du monde de pole dance, sur une chorégraphie parfaitement synchronisée ; que ce soit dans le bus, où vos voisins sont tellement absorbés par leur partie de Candy Crush Saga qu’ils en oublient de râler contre les derniers montés qui empêchent les portes de se fermer ; que ce soit sur le T-shirt de votre neveu, où les Angry Birds ont réussi à prendre la place de l’inusable Flash Mc Queen, que vous auriez pourtant bien cru le voir décorant ses vêtements jusque sur son costume le jour de son mariage.
Les jeux-vidéos sont devenus un loisir de masse dont, depuis le début des années 2000, le chiffre d’affaire annuel a dépassé celui du cinéma. Il y a deux semaines, on apprenait que les ventes de Grand Theft Auto V, le jeu qui vous permet de vous prendre pour Tony Montana, avaient dépassé le milliard d’euros de recettes en moins d’une semaine. Mieux que Avatar et Harry Potter réunis – ce qui ne constitue certes pas un gage de qualité, mais prouve en tout cas l’ampleur du raz-de-marée dont la frange minoritaire qui gaspille encore son temps libre à écouter la radio, aller au cinéma ou lire le journal est loin de prendre la mesure.
Certes, l’efficacité diabolique et le caractère addictif de ces divertissements n’ont pas encore suffi à remplacer la part de rêve associée à des médias plus traditionnels et ce ne sont ni Lara Croft ni Mario Bros qui sont photographiés pour vendre des sacs Louis Vuitton ou des parfums de chez Chanel. Néanmoins, il est évident que les jeux ne sont plus réservés aux jeunes introvertis de sexe masculin.
Depuis la Nintendo Wii, on joue avec son corps et plus seulement avec ses deux pouces, comme au temps de Donkey Kong. Si la caméra Kinect reconnaît déjà vos mouvements depuis plusieurs années, cette fois Microsoft promet que son nouveau matériel va permettre de commander sa télé avec la voix, avec les mains ou de pouvoir continuer à jouer en même temps que vous téléphonez sur Skype (autant dire que le niveau d’attention lors de la conversation devrait être relativement moyen).
Côté Sony, le Japonais promet une grande facilité pour partager avec « sa communauté » les meilleurs moments de ses parties. Le retour des soirées diapositives, en gros, sauf que cette fois, vous ne reconnaissez personne sur les images et que celui qui vous fait subir le récit de ses exploits n’est même pas présent pour vous offrir des chips.
N’importe, le jeu c’est du contenu numérique, et donc potentiellement une source de revenus futurs pour le pays. Alors, jouez, jouez, jouez, si ce n’est pas pour le plaisir, c’est pour soutenir l’économie.