C’est un vrai bijou, ce petit livre paru chez Kremart. Déjà avant d’avoir lu un seul mot, le lecteur est enchanté : grâce aux dessins poétiques, surréalistes de Diane Jodes, il est plongé dans un monde de rêve, bizarre et mélancolique. Combinant des éléments fantastiques et des croquis réalistes, Jodes crée un univers parallèle à la fois familier et étrange... et les nouvelles de Laurence Klopp ont le même effet, illustrations et histoires se complétant merveilleusement.
Brèves [re]trouvailles est écrit dans le même esprit que La dame à la mise en plis mauve, qui a remporté le Lëtzebuerger Buchpräis en 2014. Cinq petites histoires, tantôt absurdes, tantôt mélancoliques et tantôt philosophiques, avec chacune un message sous-jacent, charment ainsi le lecteur. La plus longue raconte la rencontre entre un laveur de vitres qui paraît venir d’une autre planète, la tête dans les nuages, et d’une morte qui ne peut monter au ciel, malgré son hélice – une rencontre fantastique qui permet à chacun des deux de découvrir la vie d’un nouveau point de vue et qui montre comment des gestes simples peuvent changer des vies. Une autre histoire raconte de l’amour profond et paisible de deux individus, que même la mort ne peut séparer. S’enchaîne une sorte de postface pour une écrivaine fictive ayant influencé les surréalistes et dadaïstes parisiens, ou encore le compte-rendu d’une tentative absurde et échouée d’un homme trop sûr de lui à séduire une femme hors de son univers. Ce sont d’ailleurs les femmes qui bouleversent le train-train quotidien des hommes, plutôt que le contraire, ce qui prête au recueil de Laurence Klopp un élément légèrement féministe sans que ceci prenne le dessus.
Les nouvelles ne présentent pas de personnages illustres ou racontent des histoires turbulentes, leur force, c’est leur simplicité. Les personnages sont des hommes ou des femmes dans lesquels les lecteurs risquent, à part les éléments surréels, de se reconnaître. Ils et elles ne sont ni des héros, ni des saints, et mènent des vies calmes et discrètes, mais, perturbés par des rencontres inattendues, ils commencent à se poser des questions philosophiques et métaphysiques, ou bien poussent le lecteur à le faire.
Ce sont, des récits parfois profondément drôles, parfois tristes qui ne manquent jamais d’humour (« Heureux, le poisson rouge dans son bocal dont la mémoire est plus courte que le chemin qu’il parcourt, quelle vie fabuleuse il doit avoir. Bon, il faut quand-même dire que la perspective de finir dans une cuvette de toilettes ne doit pas être réjouissante… », p.49). Et l’impression d’être plongé dans un rêve est souvent soulignée par des métaphores originelles (« …ces petits vieux dont la peau n’est plus à leur taille, trop grande pour eux ou eux trop petits… », p.23).
À travers ces contes brefs, Klopp fait reconnaître à son lecteur qu’il ne faut pas prendre la vie trop au sérieux, qu’il vaut bien être fou par moments, qu’il peut aider de contempler les choses d’une autre perspective, que des gestes simples peuvent faire une grande différence (comme de donner des fleurs à une personne en deuil), que la vie est fragile et qu’il faut reconnaître la valeur de moments fugaces et de choses semblant banales, et finalement, qu’il n’y ait pas de beauté sans amour. Ceci dit, bien que les nouvelles de Klopp ne soient pas des contes de Noël, leurs messages s’associent bien à cette période paisible mais éclipsée par le marketing, et l’esprit capitaliste.