Combat (1995) de Carlos Batlle Jordà a été mis en scène au Théâtre ouvert de Luxembourg (TOL) par Nicolas Steil, dans le cadre du festival Act-In. Carlos Batlle Jordà fait partie de ces auteurs dramatiques qui ont donné une nouvelle orientation au théâtre catalan contemporain à partir de 1986, en s'inspirant en particulier des événements européens marquants et récents.
C'est Véronique Fauconnet, directrice artistique du TOL et comédienne de la pièce, qui a remis le texte de Combat à Nicolas Steil. Ce dernier « en tant que scénariste et journaliste » a été particulièrement sensible à la richesse du texte, écrit « comme l'on pense, pas comme l'on vit ». Il a aussi été séduit par l'actualité des propos. Après la guerre en Bosnie, et plus récemment les attentats du 11 septembre, Nicolas Steil a eu envie d'interpeller les spectateurs, en présentant un sujet sur toutes les guerres (intérieures et extérieures), afin que chacun « n'essaie pas de considérer l'autre comme un ennemi, mais se remette en question et essaie de partager ».
Tour à tour journaliste, producteur et réalisateur de cinéma, Nicolas Steil a de nombreuses cordes à son arc acquises sur une scène internationale et c'est son expérience de cinéma (notamment le langage d'images) qu'il a voulu apporter à sa première mise en scène de théâtre. Tout est opposition dans cette mise en scène (extérieur/intérieur, gauche/droite, lumière/noir, homme/femme, rêve/réalité) à l'image du paradoxe auquel l'être humain doit faire face et du combat intérieur tout comme extérieur auquel il se livre. La guerre est omniprésente : contre soi, contre les autres, pour sa patrie. D'un côté de la scène, un soldat (Jérôme Varanfrain) parti très tôt à la guerre, est maintenant dans une tranchée remplie d'eau et de sang, au bord de la mort, tantôt agonisant, tantôt se reprenant, espérant en revivant quelques épisodes de sa vie. De l'autre côté, une femme devenue prostituée (Véronique Fauconnet) qui se rappelle qu'elle a connu le bonheur mais que celui-ci l'a quitté brutalement. Et elle ne s'en remet pas. Elle se refuse à accepter sa nouvelle vie et veut y mettre un terme, elle est à la fois salie par ces hommes qui viennent la voir et en même temps cela lui donne du pouvoir sur eux. Habitée de sentiments ambigus, elle se torture et perd la raison.
Combat est à la fois une oeuvre dramatique et lyrique. Un texte où l'on se perd dans toute sorte de notions abstraites : les sentiments, les états, les valeurs. C'est un déferlement de mots, écrit comme une partition musicale avec des changements de tons fréquents. Une pièce aux multiples interprétations possibles, mais où la précision est indispensable. « La poésie, la musique, le choix des accents, les émotions » ont fait l'objet d'un travail minutieux entre le metteur en scène et les comédiens.
Des comédiens qui s'investissent complètement dans leur rôle et sans doute trop pour Jérôme Varanfrain qui, du coup, perd la distance nécessaire entre un comédien et son personnage, cette distance qui permet d'éviter l'excès. Son jeu apparaît alors exagéré et manque ainsi de nuances et de finesse. En revanche, Véronique Fauconnet peut être félicitée pour son interprétation pleine de maturité et de subtilité.
Combat est une pièce difficile dans tous les sens du terme. Difficile à comprendre, à interpréter et à mettre en scène. C'était donc un véritable challenge, un pari risqué et plus qu'une véritable réussite, c'est cette action qui est remarquable. Cette volonté de faire évoluer le public, de lui proposer une alternative au théâtre classique d'une part et à la comédie légère d'autre part, qui s'ajoute à une volonté d'attirer les jeunes.
Après cet intermède théâtral, Nicolas Steil, président d'Iris Productions, va reprendre ses projets de long-métrage d'animation et de fiction cinéma. Signalons qu'il a produit récemmentLe Club des chômeurs d'Andy Bausch afin de « renouer avec mes racines luxembourgeoises ». La sortie de ce film en langue luxembourgeoise est prévue le 24 janvier prochain.
Combat de Carlos Batlle Jordà, mise en scène par Nicolas Steil, avec Véronique Fauconnet et Jérôme Varanfrain sera encore joué ce soir 23 ainsi que dimanche 25 novembre à 20h30 au TOL ; 143, route de Thionville, Luxembourg ; téléphone pour réservations : 49 31 66