Google a annoncé le 15 août être en passe de devenir le propriétaire de Motorola, une transaction de 12,5 milliards de dollars, la plus grosse jamais réalisée par le la société de Mountain View. Comment le leader de la recherche sur le Web en est-il arrivé à avancer ainsi ses pions sur le terrain de l’équipement électronique et de la production de téléphones mobiles ? S’agit-il d’un tournant stratégique majeur qui va faire de Google un compétiteur plus direct d’Apple ? Et quel impact l’acquisition de Motorola va-t-elle avoir sur l’évolution d’Android, le système d’exploitation pour terminaux mobiles qui représente aujourd’hui quelque 48 pour cent du marché, et de Google ?
À en juger par les premières réactions des marchés, les investisseurs pensent que les autorités de la concurrence vont approuver l’acquisition, malgré les enquêtes en cours sur d’autres aspects de l’activité de Google susceptibles de poser problème, notamment du fait de sa position dominante en tant que moteur de recherche et de son rôle dans la plateforme Android, justement. Même si Motorola est un intervenant important sur le marché des téléphones mobiles, il s’agirait de la première acquisition d’un équipementier par Google. L’acquisition de Motorola témoigne de l’attention croissante accordée par Google à tout ce qui touche à l’univers des communications mobiles.
Il faut reconnaître que le lancement d’Android, plateforme mobile open source mise gratuitement à disposition des constructeurs, a été un coup de génie de Google. Le rachat de la société Android en 2005 a débouché sur la mise à disposition d’une première version de la plateforme en 2007. Très rapidement un vaste consortium diversifié appelé Open Handset Alliance s’est formé autour de la plateforme, comprenant notamment HTC, Intel, LG, Motorola, Nvidia, Samsung, Texas Instruments, ARM, Asustek, Garmin, Huawei, Toshiba mais aussi des opérateurs tels que T-Mobile et Vodafone. La plateforme, régulièrement mise à jour, en est à sa version 3.2, dite « Honeycomb ». Indiscutablement, avec Android, Google a été, comme le remarque Wired, « au bon endroit au bon moment ».
Mais Android va-t-il continuer sur sa lancée si son parrain réserve le meilleur de ses développements aux futurs terminaux Google/Motorola ? Les constructeurs qui ont adopté Android ne seront-ils pas tentés de se détourner de la plateforme, exposés au risque que grâce à une meilleure intégration et à l’accès privilégié aux dernières innovations mariant système d’exploitation, applications et hardware, les mobiles Motorola aient à l’avenir systématiquement une longueur d’avance sur les leurs ? Les dirigeants de la société, tout en expliquant que l’acquisition allait permettre de « suramplifier » (supercharge) tout l’écosystème Android au bénéfice des consommateurs, partenaires et developpeurs », ont assuré que non. Andy Rubin, en charge du pôle mobile chez Google, a assuré « notre vision pour Android est inchangée et Google reste fermement engagée en faveur d’Android en tant que plateforme ouverte et communauté open source dynamique ».
Un aspect non négligeable de la transaction annoncée par Google réside dans le considérable portefeuille de brevets qui tombe dans son escarcelle. Actif depuis une trentaine d’années sur le marché des téléphones mobiles, Motorola a à son actif quelque 17 000 brevets plus 7 500 autres en attente d’approbation. La récente acquisition par un consortium comprenant Apple et Microsoft d’un portefeuille de 6 000 brevets de Nortel Networks pour 4,5 milliards de dollars avait mis en exergue la faiblesse de Google sur ce terrain. Un autre avantage que Google peut espérer retirer de son acquisition, selon certains, est la présence de Motorola sur le marché des décodeurs télévision : elle pourrait permettre de sortir son projet Google TV de l’ornière où il se trouve aujourd’hui. En tout cas, compte tenu du modèle d’affaires de Google, fondamentalement axé sur la publicité en ligne, il est clair que le géant de Mountain View cherchera à mettre à profit sa nouvelle acquisition pour générer de nouveaux types de revenus publicitaires dans l’univers de la mobilité.