Le terme crowdsourcing est apparu vers 2006. On comprend intuitivement qu’il décrit un phénomène natif du Web 2.0 ; Wikipédia le définit comme suit : « Le crowdsourcing (en français, externalisation ouverte) est un des domaines émergents du management de la connaissance : c’est le fait d’utiliser la créativité, l’intelligence et le savoir-faire d’un grand nombre de personnes (des internautes en général), en sous-traitance, pour réaliser certaines tâches traditionnellement effectuées par un employé ou un entrepreneur ». Wikipedia liste plusieurs dizaines de projets relevant du crowdsourcing, depuis la recherche de l’aviateur Steve Fossett après sa disparition au Nevada en 2007 (même si ces restes ont finalement été trouvés grâce à des méthodes plus traditionnelles) à la traduction de pages Facebook par des utilisateurs locaux, de freelancer.com, qui permet de trouver un rédacteur pour son projet éditorial (le site a un chiffre d’affaires projeté de 50 millions de dollars sur les douze prochains mois) à Goldcorp, un mineur canadien qui a mis à disposition des internautes des vues aériennes leur proposant de les analyser afin d’y dénicher des gisements d’or (ce sont des consultants australiens qui ont décroché le prix de 575 000 dollars promis par Goldcorp).
Le crowdsourcing a déjà deux descendants conceptuels : le crowdfunding, qui fait appel aux mécanismes du crowdsourcing pour rassembler des fonds, en général pour une cause, et la « collaboratition », barbarisme qui tente d’appréhender la combinaison, souvent complexe, de la collaboration et de la compétition à laquelle font appel certains projets. Ce fut le cas par exemple du concours lancé par l’agence de recherche de l’armée américaine pour localiser dix marqueurs de ballons placés à travers le territoire des États-Unis : les équipes participantes avaient dû elles-mêmes générer un environnement propice à la collaboration pour encourager les internautes à y participer.
Wikipédia est aussi sans doute un des exemples les plus connus et les plus réussis de crowdsourcing, même si son fondateur Jimmy Wales a exprimé son agacement à l’égard de la notion, expliquant : « Je trouve le terme crowdsourcing incroyablement irritant. Toute entreprise qui pense qu’elle va construire un site en externalisant tout son travail à ses utilisateurs, non seulement manque de respect à l’égard des utilisateurs mais faut preuve d’une incompréhension complète de ce qu’elle devrait faire. Votre travail est de fournir une structure pour que vos utilisateurs collaborent, et cela prend beaucoup de travail ».
Cette sortie de Jimmy Wales met le doigt sur un des aspects les plus polémiques du concept : si cette « externalisation ouverte » consiste à faire travailler des nuées d’Internautes, souvent des experts, sans les payer, en les payant très mal ou en proposant des rémunérations sous forme de troc, le crowdsourcing ne revient-il pas à une exploitation éhontée de toutes les bonnes volontés que l’on arrive à mobiliser sur le Net ? À l’encontre de cette interprétation, on pourra faire valoir qu’aucun internaute ne participe à un tel projet de crowdsourcing poussé par la simple recherche d’une subsistance, mais qu’il peut espérer faire reconnaître ses connaissances ou son talent. Le crowdsourcing s’adresse autant à des expertises qu’à des bonnes volontés, et les exemples abondent de projets intéressants et innovants qui n’auraient tout simplement pas pu aboutir s’ils n’avaient pas pu s’appuyer sur ce modèle. Les journaux ont ainsi découvert que, plutôt que de se contenter de publier les commentaires souvent répétitifs et vains de leurs lecteurs, ils pouvaient faire appel à eux pour examiner des archives à la recherche d’éléments d’information. C’est ce qu’a fait le Guardian pour passer au peigne fin les quelque 700 000 notes de frais abusives des parlementaires britanniques rendues publiques après le scandale révélé par le Telegraph : c’est ce qui est en cours aux États-Unis pour chercher des pépites parmi les emails de Sarah Palin. Netflix s’est distingué par son utilisation particulièrement astucieuse et réussie du crowdsourcing pour améliorer son propre algorithme d’interprétation des notation de films, qui débouche sur des suggestions de location de films soumises à ses abonnés, en invitant les internautes de participer à un concours doté d’un prix d’un million de dollars.