Quel est le but poursuivi par Apple en lançant iCloud, le nouveau service de synchronisation et de stockage que la société a dévoilé cette semaine ? La marque d’ordinateurs, propulsée sur le devant de la scène grâce au succès de son téléphone et de sa tablette, s’avance sur un nouveau terrain, celui du « cloud computing » et de la prestation de services informatiques, au risque de brouiller son image de fabricant d’objets ergonomiques et conviviaux qui lui a si bien réussi jusqu’ici. Steve Jobs a expliqué que les propriétaires d’iPhones, d’iPads et d’ordinateurs Apple dotés du nouveau système d’exploitation pourraient à l’avenir garder leurs différents appareils à jour de manière automatique. Autrement dit, les emails, photos, documents et autres données stockés sur l’un des appareils deviendraient automatiquement disponibles, par la magie de la synchronisation sans fil, sur chacun des autres terminaux, sans frais. En plus, iCloud permet de synchroniser sa musique accumulée sur iTunes à l’aide d’un service tarifé 25 dollars par an. Il faut dire que la synchronisation était jusqu’à présent le talon d’Achille des systèmes proposés par Apple. En plus de la synchronisation, Apple a annoncé lundi toute une série d’applications et de services qui jusqu’à présent supposaient, pour les utilisateurs de terminaux Apple, de faire appel à des tiers, notamment dans le domaine de la messagerie et de la photographie. Un signe de plus qu’Apple met le paquet sur l’aspect « seamless » de son offre, promettant au consommateur qu’il lui suffit d’acheter son appareil et de s’identifier, tout le reste se mettant en place sans son intervention.
Les analystes s’accordent à dire que ce service ne sera pas un centre de profit pour Apple, mais est conçu comme un moyen de fidéliser les clients existants et d’en attirer d’autres, que la société espère séduire par le confort et la simplicité d’usage additionnels qu’il est censé apporter. Alors que Microsoft s’essaie avec retard au « cloud computing », c’est clairement Google qui est dans le collimateur d’Apple. Le géant de la recherche, dont le système d’ex-ploitation pour téléphones mobiles et tablettes Android constitue une concurrence sérieuse aux iPhones et iPad, a une longueur d’avance dans ce domaine.
La proposition d’Apple a été critiquée en raison de l’exaspéra-tion de la logique de verrouillage (« lock-in ») et, de manière concomitante, d’hégémonie qu’elle revêt. Comme ce service est réservé aux utilisateurs de terminaux Apple, et que ceux-ci seront fortement encouragés à l’utiliser, voire empêchés d’en utiliser d’autres, l’approche de « séduction-séquestration » qui a caractérisé de manière croissante la démarche d’Apple est exacerbée. De plus en plus, Apple va vanter les mérites de l’expérience que procurent ses appareils, plutôt que les appareils eux-mêmes. Clairement, il s’agit d’une approche qui va diviser encore un peu plus ceux qui se définissent comme inconditionnels d’Apple et ceux qui se placeraient davantage dans le camp des méfiants.
Reste à déterminer si Apple est en mesure d’assurer la sécurité des données si elles commencent à transiter ainsi tous azimuts. Le « cloud computing » a toujours été critiqué sur cet aspect des choses, et le mélange des genres, entre la dimension ultra-ludique de ce qui a été le premier appareil portable d’Apple a devenir un succès mondial, l’iPod, et l’adoption croissante de ses téléphones et tablettes pour un usage professionnel, la marque à la pomme sera en mesure d’assurer la confidentialité des données qui lui sont confiées. Qui est en mesure d’assurer aujourd’hui que les hackers ne vont pas se délecter de fourrer leur nez dans des secrets d’entreprise après avoir découvert que leurs dirigeants ont adopté les derniers gadgets d’Apple plutôt que les appareils éprouvés mais moins « fun » recommandés par leurs responsables informatiques ? Des experts ont signalé que les considérations de sécurité étaient le grand absent de la démonstration de Steve Jobs lundi dernier, et qu’Apple avait intérêt à répondre dans les plus brefs délais aux interrogations à ce sujet. Après la déconfiture de Sony, dont les comptes d’utilisateurs ont été compromis il y a quelques semaines, c’est un problème de taille.