En plus d’une tête bien remplie et d’une envie dévorante de partager son savoir, le jeune Américain Salman Khan, d’origine banglado-indienne, a approché sa vie professionnelle armé d’un bagage académique assez conséquent : des diplômes du Massachussetts Institute of Technology en mathématiques, informatique et génie électrique et un MBA de la Harvard Business School. Il raconte que ce qui l’a propulsé dans le monde de l’enseignement en ligne est la nouvelle que sa cousine Nadia avait des difficultés en mathématiques. Cela se passait en 2004. Il se propose de lui donner des cours de rattrapage sous forme de petits clips vidéo explicatifs. Publiés d’abord par le biais de Yahoo puis sur YouTube, ces clips attirent d’autres membres de sa famille et au-delà, générant un bouche à oreille non négligeable.
Si bien qu’en 2006, Salman crée, sous forme d’association à but non lucratif, la « Khan Academy », avec pour objectif d’offrir « un enseignement de qualité à tout le monde, partout ». Le site khanacademy.org abrite aujourd’hui 2 200 mini-leçons, de moins de douze minutes pour la plupart, couvrant les mathématiques, l’histoire, la finance, la physique, la chimie, la biologie, l’astronomie et l’économie. À long terme, le propos de Khan est de mettre à disposition « des dizaines de milliers de vidéo sur pratiquement tous les sujets » et de créer « la première école virtuelle de niveau mondial où tout le monde peut tout apprendre ». Pour les pays émergents, où la pénétration d’Internet n’est pas encore suffisante pour donner accès aux matériels de l’Academy, un système de distribution hors-ligne a été mis en place. Les clips sont munis d’une licence Creative Commons.
Le site propose, outre les clips, un système de tests des connaissances en ligne – les identifiants d’un compte Google ou YouTube peuvent être utilisés pour s’inscrire – et un système de tutorat qui permet à ceux qui s’en sentent la vocation d’adopter, pour les coacher, des étudiants en ligne.
Ses clips attiraient 35 000 visiteurs par jour à fin 2009, un chiffre suffisant pour l’encourager à quitter son emploi d’analyste financier et à se consacrer à temps complet à son projet. Khan fait appel aux dons pour financer son projet, et Bill Gates fait partie de ceux qui y croient. Le clip de promotion de la Khan Academy montre le fondateur de Microsoft louant le projet, qu’il soutient par le biais de sa fondation, et confiant qu’il s’en sert lui-même pour rafraîchir de temps à autre ses connaissances. En septembre 2010, Google a annoncé accorder deux millions de dollars pour faciliter la création de davantage de cours et la traduction de son fonds de clips dans les langues les plus courantes.
Il faut dire que la formule choisie par Salman Khan pour ses clips est d’une simplicité et d’une fraîcheur enthousiasmantes. Plutôt que de montrer une personne au tableau noir, c’est ce tableau lui-même qu’il figure sur ses clips, réalisés à l’aide de technologies somme toute rudimentaires, avec en voix off ses explications. Et plutôt qu’un exposé minutieusement préparé et récité d’une voix monocorde, c’est un récit vivant, avec sa part d’improvisation voire d’hésitation, un peu comme s’il cherchait ses mots lors d’une conversation, qu’il propose, établissant d’emblée une relation amicale et empathique avec ses auditeurs. C’est sans doute dans cette approche et ce ton informels qu’il faut aller chercher la clé du succès de la Khan Academy.
Certains vont jusqu’à suggérer que l’approche de la Khan Academy pourrait servir à améliorer le modèle d’enseignement dans les écoles traditionnelles, en renversant le modèle des cours dispensés en classe et des exercices faits à domicile : consacrer davantage de temps aux travaux pratiques, alors qu’une partie de l’exposé de la matière se ferait à domicile à l’aide de cours pré-enregistrés, permettrait de se concentrer sur les difficultés rencontrés par les élèves et de leur offrir un accompagnement plus personnalisé.