Quora est un service de questions et réponses lancé pour le grand public en juin 2010 par d’anciens collaborateurs de Facebook, Adam D’Angelo et Charlie Cheever. On connaissait déjà dans la même veine Answers.com, Askville, LinkedIn Answers ou Yahoo Answers, ce n’est donc pas le premier agrégateur du genre, loin s’en faut. Mais ce « marché en ligne du savoir » présente quelques particularités qui semblent le destiner à devenir un outil de réfé-rence du Net. En tout cas, il a été remarqué par les investisseurs à l’affût des startups prometteuses : en mars 2010, avant même de faire ses premiers pas en ligne en dehors du cercle privé de testeurs beta, il a bénéficié d’un financement du célèbre fonds Benchmark Capital qui le valorisait à 86 millions de dollars. En avril, 200 000 personnes visitaient le site chaque mois selon Wired.
Le principe de Quora est simple. Les questions et réponses publiées par les utilisateurs sont agrégées par ses administrateurs en fonction de thèmes afin de pouvoir aisément être compulsées et faire l’objet de recherches. Toutefois, par rapport à ses concurrents, Quora a placé la barre plus haut pour assurer une bonne qualité des informations en demandant que les contributeurs s’enregistrent et publient leurs questions et réponses sous leurs vrais noms et qualités. Le dispositif ne permet pas d’éliminer complètement l’anonymat ou les fausses identités, il est d’ailleurs possible de se rendre anonyme pour publier des commentaires, mais la quasi-totalité des contributeurs sont des personnes dont on peut, en cas de doute, vérifier les références et l’expertise par une recherche croisée. Les participants peuvent voter pour améliorer ou réduire le crédit accordé à une réponse spécifique, et même, comme sur Wikipedia, éditer les différents items.
Autre particularité de Quora : grâce à une architecture informatique sophistiquée et robuste, Quora est en mesure d’actualiser ses pages en temps réel, ce qui augmente considérablement la réactivité que l’on peut attendre du service. Le fait que le site traite de questions et de problématiques plutôt que de mots-clés lui donne un avantage sur Wikipedia, qui part certes avec une longueur d’avance mais est handicapé par une structure et une philosophie qui le cantonnent à un rôle beaucoup plus statique. Quora couvre de fait tout un pan du savoir humain que Wikipedia est pratiquement condamné à ignorer. Une fois enregistré, l’utilisateur peut choisir de « suivre », comme sur Twitter, des thèmes, des questions spécifiques ou d’autres utilisateurs, ce qui amplifie la dimension réseau social de Quora : la page d’accueil de chaque utilisateur présente ses contributions aux différentes thématiques qu’il suit, un peu à la façon d’un mur sur Facebook.
Rien ne permet d’affirmer que Quora continuera de grandir indé-pendamment du buzz savamment entretenu autour de lui par des publications spécialisées telles que Tech Crunch. Un buzz qui, vers la fin de l’an dernier, avait fait exploser le nombre d’utilisateurs au point d’allonger considérablement les temps de réponse du site. Selon des témoignages recueillis par Wired, Quora a réussi à fidé-liser durablement au moins un type d’internautes très spécifique : ceux qui s’intéressent à la scène effervescente des startups du Net. On objectera qu’ils sont loin d’être représentatifs du grand public et qu’il faudra que Quora conquière de vastes pans d’autres publics pour devenir une force incontournable d’Internet. N’empêche : il s’agit d’un public exigeant, et dans le passé l’adoption précoce par les mordus des nouvelles technologies a souvent auguré d’un développement soutenu et d’une expansion vers d’autres publics.Il va sans dire que Quora se contente pour l’instant de se battre pour occuper le terrain et n’a pas la moindre perspective de gagner de l’argent.