Laurianne Bixhain,Bathing by Electric Light

De Coney Island en Biélorussie

d'Lëtzebuerger Land vom 03.10.2014

Depuis les années 90, Danielle Igniti a su exposer un nombre impressionnant de jeunes artistes qui ont, dès leur première exposition au Centre d’art de Dudelange, marqué la scène culturelle au Luxembourg, mais aussi dans une perspective européenne : pépinières d’artistes et participations ultérieures à la biennale d’art de Venise incluses. La programmation actuelle confirme cette volonté de recherche et de promotion des talents émergeants. Ainsi, Laurianne Bixhain, qui avait présentée une partie de son travail actuel à la Portfolio Night du Centre national de l’audiovisuel en février de cette année, a conçu un parcours d’exposition à la galerie Nei Liicht qui fait la tentative de traduire un esthétique du monde contemporain à travers des matériaux et des techniques, mais aussi une perception fragmentaire qui s’oriente par l’instant, tout autant qu’elle induit la perspective historique d’une mémoire culturelle collective.

Mais ce qui caractérise vraiment la première exposition monographique de Laurianne Bixhain à Luxembourg est l’apparente simplicité de la présentation et la réduction du langage formel, qui n’est pas simplement un avatar d’un art néo-conceptuel, mais une exploration individuelle d’un quotidien en périphérie du grand spectacle qui le domine. Laurianne Bixhain échappe à cette domination en prenant des chemins de traverse qui mènent cette artiste sur les alentours de sites olympiques désaffectés et d’attractions lumineuses désuètes. À partir de cette sensibilité pour les choses et les situations en marge du quotidien, elle parvient à construire une narration, parfois mystérieuse, qui ne demande rien d’autre qu’une volonté de participation du visiteur. Ici, l’art contemporain est loin d’être « hermétique », il propose une ouverture sur une perception éclatée d’un environnement actuel. Le titre de cette suite est Bathing by Electric Light, une allusion aux premières digues éclairées par la fée électricité sur Coney Island. Un choix qui souligne ce drift particulier qui caractérise, déjà, les travaux de cette artiste.

Alors que l’intérêt du travail de Laurianne Bixhain vient aussi du fait qu’elle exclut les anecdotes autobiographiques, la deuxième exposition de Marcin Sobolev à la galerie Dominique Lang est essentiellement basée sur le vécu, souvent d’ordre familial, de cet artiste qui traduit sa recherche d’un passé qui cadence son présent dans un langage plastique ancré dans un art de la rue, mais évoluant vers une version très individuelle d’un folklore biélorusse.

Sobolev est un personnage emphatique qui réussit à transmettre et à sublimer la notion de souvenir. Dans ses moments les plus faibles, cela se matérialise en en cabinet de curiosités et dans ses gestes les plus significatifs Sobolev crée un ensemble de bouquets pendus, fabriqués avec une assiduité de vaillant petit tailleur. Mais ceci n’est pas de la nostalgie. Marcin Sobolev invente et transforme à partir d’une position qui est celle d’un voyageur entre les styles et les époques, mais aussi entre des mondes aussi différents qu’une forêt bruxelloise et un compartiment de train le menant en Biélorussie.

La programmation du centre d’art de Dudelange permet de découvrir deux positions très différentes d’une création contemporaine, deux expositions qui confirment qu’il y a un art contemporain qui se détache d’une génération selfie qui n’a en vérité plus grand chose à dire.

L’exposition Bathing by Electric Light de Laurianne Bixhain est au centre d’art Nei Liicht, rue Dominique Lang ; Les pieds dans la boue… de Marcin Sobolev est au Centre d’art Dominique Lang à la gare de Dudelange-Ville ; les deux expositions durent jusqu’au 23 octobre ; pour plus d’informations : www.galeries-dudelange.lu.
Christian Mosar
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