Ils sont trois Locals. C’est d’ailleurs le titre de l’exposition dans les deux galeries d’art de la Ville de Dudelange, à voir encore jusqu’au 22 décembre. Une jeune femme – Temy Debanck, née en 1987 – et deux garçons – Mike Zenari, né la même année et Jo Malone, le plus jeune des trois (1996).
Danièle Igniti, pour le dernier accrochage de 2016, a décidé de montrer le travail de trois jeunes pousses que l’on aimerait retrouver à l’avenir encore acteurs de la scène artistique. La diversité de leurs expressions voudrait d’ailleurs que l’on parle plutôt de domaines de développements possibles : les graffs et l’illustration pour Jo Malone, la photographie pour Mike Zenari, la vidéo et les installations dans le cas de Temy Debanck.
Depuis ses débuts, l’art « de rue » des graffeurs est devenu à part entière une expression certes populaire, mais également exposée en galerie. Jo Malone accueille donc le visiteur de la galerie Dominique Lang (gare de Dudelange Centre), par une gigantesque fresque, qui l’éloigne, de par sa mise en œuvre de l’art gestuel spontané du graffiti à proprement parlé. On a appris que le jeune homme sorti du Lycée des arts et métiers en 2014, avait élaboré un dessin préparatoire grandeur, puis travaillé sur le grand mur de la galerie à l’aide d’un échafaudage.
Le thème reste plutôt naïf, en tout cas en apparence, puisqu’il s’agit d’une sorte d’allégorie aux champignons (!) aux teintes de sous-bois, moins « puissant » néanmoins que les dessins de cet autodidacte : femmes aux têtes d’animaux fantastiques, poissons effrayants et cœur en forme de tête de mort dessinés finement au crayon papier et rehaussés de quelques traits de couleurs seulement. Ils sont sans doute plus représentatifs du talent illustratif de Jo Malone.
Le travail photographique de Mike Zenari s’accorde esthétiquement, toujours à la galerie Dominique Lang, de par ses tons de pénombre à la fresque et pour cause : il s’agit ici d’une série de jeux de lumière filtrée derrière des stores, appelés également « jalousies » – c’est d’ailleurs le titre de sa série. Devenu photographe professionnel, Zenari cultive ici son « jardin secret », peut-on lire dans le communiqué de presse. Un travail impressionniste en apparence, certes très esthétisant, mais qui témoigne aussi d’une recherche sur les fondamentaux de l’image photographique et de la pixellisation.
De Temy Debanck, on ne verra qu’une œuvre à la galerie Dominique Lang : une installation représentant une bouche qui crache des morceaux de verre brisé. C’est à la galerie Nei Liicht que l’on pourra apprécier ce talent choc : La vie en rose, ensemble d’installations et de vidéos, est à la mesure de la personnalité prometteuse de la jeune femme – elle a étudié à l’ERG à Bruxelles et à l’université de Strasbourg, mais ne pratique pas son art à titre professionnel.
La galerie Nei Liicht illustre un parcours à travers le récit, non sans humour (noir) des aléas de la vie au féminin et féministe. Sur arrière-fond de la rengaine d’Edith Piaf que le visiteur jouera à l’envie soi-même sur un mini-rouleau à musique, la bouche de Temy Debanck crache ou au contraire avale, en tout cas mâche et remâche du verre et des pilules, de la salive et du sang, pour la part vidéo de l’exposition. Pilules soigneusement conservées dans un coffre-fort comme des bijoux dans leur coffret et sang que Temy Debanck presse elle-même d’une éponge comme un citron remplit une coupe, pour la part d’installations. Si donc l’artiste semble dire symboliquement que la coupe est pleine, on a bien envie de la revoir – sensible et révoltée – soutenue par le milieu professionnel de l’art, comme le fait ici Danièle Igniti.