Antennes de téléphones mobiles

Allô, Monsieur le Maire ?

d'Lëtzebuerger Land du 20.03.2003

Orange est au bord d'une crise de nerfs. L'opérateur paneuropéen de réseaux GSM, filiale de France Télécom, a mis ses projets luxembourgeois en suspens, annonçait dimanche dernier la Radio 100,7. Orange était l'année dernière le seul opérateur, à part les existants P[&]T (LuxGSM) et Tele2 (Tango), a avoir postulé - avec succès - pour une licence UMTS au Luxembourg. Si le réseau de téléphonie mobile de troisième génération des Français verra vraiment le jour est du moins mis en doute.

Orange est resté jusqu'ici plutôt discret au Luxembourg. Il semble que le nouvel opérateur ait sous-estimé les difficultés administratives que la construction d'un réseau de mobilophonie peut poser même sur un territoire aussi réduit que le Grand-Duché. Car, grâce à une jurisprudence de la Cour administrative, il est de fait devenu impossible d'ériger encore une seule antenne GSM ou UMTS au Luxembourg.

Lundi, les ministres de l'Aménagement du territoire, Michel Wolter, et des Communications, François Biltgen, ont annoncé le déblocage de ce dossier. Le premier plan directeur sectoriel (PDS) de l'aménagement du territoire jamais proposé sera ainsi dédié aux antennes de mobilophonie. Il permettra de dépasser les limites établies par la jurisprudence. Les juges estiment en effet que des antennes peuvent seulement être érigées là, où le plan d'aménagement général (PAG) de la commune le prévoit explicitement. Vu qu'au moins la moitié de tous les PAG datent d'avant 1990, il est évident que quasi aucun PAG ait anticipé le succès du GSM.

Selon le nouveau PDS, il deviendra de nouveau possible aux bourgmestres d'autoriser l'installation d'antennes GSM ou UMTS, même si le PAG ne le prévoit pas explicitement. Les installations de mobilophonie sont en même temps reconnues d'« utilité publique ». 

Ce nouveau règlement grand-ducal ne devrait pas seulement faciliter la vie à Orange. Selon une étude réalisée en 2002 par le bureau d'ingénieurs-conseils Luxconsult, aussi bien pour LuxGSM que pour Tango « le nombre de stations de base est insuffisant » pour assurer une qualité de service optimale. LuxGSM offrirait une « qualité de service légèrement supérieure » dans le Nord et dans l'Est, tandis que Tango posséderait dans le Centre et le Sud « un réseau nettement meilleur en terme de qualité et de couverture ».

Le plan directeur sectoriel prévu ouvrira à nouveau la porte aux antennes de mobilophonie. Il laisse cependant une large marge d'appréciation aux bourgmestres. Si ceux-ci donnent leur feu vert, les citoyens auront moins de possibilités à le contester devant les juges. Or, qu'en est-il si les maires refusent eux-mêmes les antennes ?

Les ministres concernés n'y voient pas de problèmes. La décision de refus du bourgmestre devra être motivée. Cette motivation ouvrira alors un droit de recours à l'opérateur devant les juridictions administratives. Alors que les juges rencontraient jusqu'ici surtout les voisins d'antennes, ils pourraient maintenant faire meilleure connaissance avec leurs propriétaires. Les délais pour la construction d'une antenne ne seront donc pas nécessairement réduits. D'autant plus qu'il ne s'agit ici que d'une autorisation parmi d'autres.

Plus inquiétant pour Orange est toutefois que le PDS n'est encore qu'un projet. Les procédures de consultations obligatoires risquent de prendre encore au moins six mois. Si le blocage communal se maintient d'ici là, lancer UMTS au second semestre 2003 deviendrait quasi impossible pour Orange. C'est plutôt désagréable, même si personne ne veut garantir aujourd'hui qu'on disposera effectivement de téléphones UMTS grand public d'ici juillet. 

Les P[&]T et Tango prévoient le lancement commercial d'UMTS en été. Au moins jusqu'ici...

 

Jean-Lou Siweck
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