Showgirls (1995). Étrange film convenu, signé du « Hollandais violent » Paul Verhoeven. Qu’on l’ait vu ou non, on le connaît surtout par la négative, constituant un cas rare où la représentation du sexe à l’écran n’a pas fonctionné commercialement. Un échec cuisant, pour le cinéaste jusqu’ici plébiscité aux États-Unis (RoboCop & Total Recall), d’autant plus étonnant qu’il faisait suite à Basic Instinct (1992), succès mondial réalisé trois ans avant Showgirls. Preuve en est, il ne suffit pas de reconduire de film en film une vieille formule pour se mettre le public dans la poche.
Le sujet de Showgirls, tout d’abord, est fort peu original. Balisé par une partie de la production cinématographique happée par la fantasque et décadente Las Vegas, paradis des joueurs et des puissants qui tirent en coulisses les ficelles, l’histoire de Nomi Malone peine à exister aux côtés de Casino (1995) de Martin Scorsese ou de Las Vegas Parano (1998) de Terry Gilliam, pour citer deux autres références nineties. La blonde sulfureuse, dont on ignore le passé, monte à son tour faire carrière dans la cité du rêve américain. Pas dans la restauration évidemment, mais sur scène, sous la lumière des projecteurs ; d’abord top-less au Cheetah Club, puis danseuse-star du Starbust Casino, la jeune fille gravite rapidement les échelons, ondulant avec rage et fureur, névrotiquement : « Tu ne danses pas, tu baises », lui lance un de ses prétendants…
Pour ce protagoniste féminin, le choix du cinéaste s’est porté sur la méconnue Elizabeth Berkley, mannequin teenage pour Elite que l’on découvrait, il y a trente ans, dans la série pour ados Sauvés par le gong (Saved by the bell). Le désir d’ascension sociale de Nomi Malone était aussi celui que nourrissait son interprète, qui y faisait sa première apparition dans un film à gros budget. Mais là où Nomi Malone deviendra la reine de Vegas, jusqu’à finir par convoiter Hollywood, la carrière de la seconde prendra une tournure déceptive. Desservie par un scénario et des dialogues bidons, une mise en scène maladroite et peu délicate, des acteurs peu inspirés (Glenn Plummer notamment), la (contre-) performance de l’actrice lui valut d’être reléguée aux productions de série B. Son érotisme brusque, épileptique, est loin de la pernicieuse fascination que pouvaient exercer les ébats périlleux de Sharon Stone et de Michael Douglas (Basic Instinct).
Malgré ce raté, une suite parodique a été donnée à Showgirls avec l’accord de Verhoeven : Showgirls 2 : Penny’s from Heaven (2011), de Rena Reffel. Le cinéaste s’est depuis ressaisi en regagnant l’Europe au début des années 2000, où il a retrouvé une certaine indépendance créatrice. Après les récompenses recueillies par Elle (2016), autre film dans lequel plaisir et violence voisinent, les fans du Hollandais attendent patiemment la sortie de Benedetta (2019), une fable inspirée de la vie de Benedetta Carlini, mystique et lesbienne du XVIIe siècle. Loic Millot