Il est toujours aussi effervescent, primesautier et bavard, même si son actuellle exposition à la galerie Orfèo peut paraître relativement sage. C’est que Claude Schmitz – à l’image de sa manière de se vêtir, pantalon classique et chemise toujours blanche – préfère la « ligne » au bling bling et reste fidèle à son style et à ses matières premières : pierres fines, perles montées sur or ou argent, le tout aux lignes plutôt straight, sauf quelques coraux, ces végétaux marins mineralisés aux formes naturellement courbes.
Sage ne veut pas dire ennuyeux : quand on porte un bijou Claude Schmitz, c’est s’affirmer soi-même et oser, à l’époque 99 pour cent mainstream, montrer que voilà, on fait partie du… un pourcent artistique ! La présente exposition s’appelle Not easy to please. Rappelant – peut-être – la difficulté de la profession que Claude Schmitz a choisie : créateur de bijoux. Sur son site, il se nomme « independent artist and designer ». En anglais, car il est reconnu et représenté au-delà des frontières, même si depuis 2001 et sa première apparition au MNHA, il vit toujours à Luxembourg et reste fidèle à la galerie Orfèo, où sa dernière exposition remontait à 2014.
Claude Schmitz est exposé régulièrement à Lisbonne, Vienne, Munich entres autres, ou encore Tokyo. Pas encore à Paris, car il est aussi un grand timide, même si, ou justement si l’envie de plaire, cet après-midi là, lui fait littéralement mouiller la chemise devant une cliente qui hésite encore…
Ses créations sont toujours XXL, avec un retour marqué de la broche. Un carré d’améthiste est comme posé dans un nid de baguettes d’or, un béryl s’accroche à une branche d’or comme un fruit. Plus vénéneuse, une citrine orange rougeoie sur des baguettes d’argent noirci, tel un glow de feu…
Si un certain coffre est nécessaire pour porter ce type de bijou – on se demande pourquoi les hommes qui auraient la stature parfaite ne s’y mettent pas ? Comme Claude Schmitz lui-même parfois – un décolleté pudique pourra porter un cupcake d’or d’où tombe une goutte géante d’ambre vert à facettes, comme une crème gourmande à la pistache…
La gourmandise, toujours, semble de mise avec ces perles ou ces quartz jaunes posés comme sur de mini plateaux de fruits (ce sont des boucles d’oreille) ou des feuilles d’ananas – attention ici aux piquants et aux mots doux à l’oreille : interdits … Car Claude Schmitz est toujours aussi inventif et coquin dans ses appellations : Can’t get better than this, Get stronger to love me better, Call of the wild…
Beaucoup d’humour donc et d’allusions aussi à des péchés – comment ne pas penser à des bagues ecclésiastiques à porter par des femmes – ou en tout cas par des princesses : Daisy et Antoinette, composées de huit améthistes et d’une tourmaline entourée de quatre aiguemarines. Mais peut-être est-ce avoir l’esprit mal tourné que de penser à un détournement de genre…
Plus sages en tout cas sont ces gouttes de chrysoprase (mais géantes), qui, par leur longueur évoquent des « dormeuses », ces boucles de poids que l’on portait la nuit pour que le trou dans l’oreille ne se referme pas… Et puis il y a ces coreaux, rose et blanc, magnifiques. L’un porte des gouttes d’opal rose, l’autre des cercles d’or. Un travail d’équilibriste pour trouver l’angle de pose – et donc de reflet miroitant exact, avoue Claude Schmitz.
Dessine-t-il des croquis avant de réaliser ses pièces ? Parfois dit-il, mais le plus souvent, ce sont les pierres qui l’inspirent, raconte Claude Schmitz, entendez : ce sont les pierres qui décident du bijou qui les accueillera ou les portera. Ne pas avoir de préjugés, savoir prendre des risques, aussi quant au travail de la matière, aux associations, à la taille des pierres et leur mise en valeur. Il faut savoir rompre la règle qui veut qu’une pierre fine soit portée comme ceci et pas comme cela, s’étonner soi-même. C’est ce qu’il explique dans ses master classes. Il est revenu enthousiaste de la dernière en Estonie et de son échange avec les étudiants. Comme on ne peut pas partager cette générosité-là où, on en est certain, il s’est donné à 99 pour cent, on peut toujours se consoler en s’achetant un bijou – ce n’est pas hors de prix pour devenir « son » un pourcent artistique…