Grâce au passage à l’heure d’hiver, en vigueur depuis environ un siècle, octobre est le mois le plus long de l’année. On aurait pu choisir mai, juin ou juillet pour rajouter une heure de plus mais non, il a fallu que ça tombe sur octobre. Le premier des huit mois de l’année où l’on compte plus de jours de pluie que de soleil. Le premier des huit mois de l’année où le gel va faire sentir sa morsure aux travailleurs matinaux, et leur faire regretter d’avoir garé leur voiture devant le garage et pas dedans. Examinons ce que nous promet ce nouvel octobre, et voyons s’il va, une fois encore, se révéler comme le mois le plus propice au spleen, le mois où l’on tente de garder le moral en observant tomber inéluctablement, dans un même élan, les températures, la pluie, les feuilles mortes et la pression atmosphérique.
Plutôt qu’un week-end en amoureux, pour bien commencer le mois, vous risquez déjà de passer dimanche prochain à tenter de trouver une lueur d’humanité dans les regards enamourés des candidats aux élections communales, qui vous promettent leur cœur, leur âme, et sans doute un peu plus, en échange de vos voix. Les tracts des différents partis font miroiter des logements, des places en crèches, de nouveaux parcs, une mobilité accrue mais vous savez ce que cela va vraiment signifier pendant les cinq prochaines années : des travaux publics, des embouteillages, des échafaudages, des grues et des camions-bennes. Le premier qui se plaindra d’être obligé de sortir voter sous la pluie pour choisir la couleur des pelleteuses pourra partager sa révolte sur les réseaux sociaux avec ses connaissances catalanes, qui sont sorties dimanche dernier sous les coups des policiers pour un scrutin sans valeur légale.
Une fois votre devoir civique accompli, il vous reste l’embarras du choix pour occuper vos loisirs, en supposant que vous n’occupiez pas tout votre temps libre à cueillir des champignons ou chasser le chevreuil. Côté musique, l’heure n’est plus aux rythmes latinos. Finito despacito. Ce mois-ci, les dépressifs se presseront dans les salles de concert pour broyer du noir tous ensemble. Ils profiteront, dès mardi prochain, des refrains mélancoliques du ténébreux Nick Cave, à côté desquels l’évocation d’un dimanche après-midi dans un cachot sombre et humide paraitrait digne de figurer sur le programme des activités d’un camping-club sur la côte d’Azur. Ceux qui auront résisté à l’envie de se pendre pourront en remettre une petite couche cinq jours plus tard, avec la pop sous Tranxène d’Angus et Julia Stone.
Sinon, la pluie, c’est toujours un bon prétexte pour une sortie cinéma. Effectivement, cette année encore, le CinEast, festival du film d’Europe centrale et orientale, va vous proposer, du 5 au 22 octobre, des petites pépites venues du froid, dont la seule lecture du scénario ferait passer les frères Dardenne pour les frères Farelly : que diriez-vous d’un film slovaquo-tchèque (de mon temps on disait tchécoslovaque) où il serait question de viol, ou bien d’un film serbe sur le suicide présenté comme « une étude réfléchie sur la lutte personnelle avec le deuil et la dépression, dans un environnement sinistre, au milieu des difficultés de la transition sociale et économique » ? Si vous hésitez encore à acheter le pass à 25 euros, sachez que le programme officiel annonce aussi des histoires de mères célibataires albanaises menacées d’expulsion ou des drames sociaux sur les conséquences de la guerre au Kosovo. Bref, de quoi vous faire apprécier votre petite vie à sa juste valeur.
Même les musées de la ville semblent redoubler d’efforts pour vous inciter à venir leur rendre visite au pire moment de la semaine. À savoir : un samedi soir. C’est toujours bon à savoir, si vous n’avez rien de prévu le quatorze octobre, vous êtes invités à passer votre soirée au milieu de chats sauvages et de chouettes empaillées au Natur Musée. Si vous ne trouvez pas la taxidermie assez anxiogène, optez pour une séance de méditation sur la vanité de la vie dans la chapelle de Wim Delvoye au Mudam, dont les radios d’intestins et les squelettes sont toujours là pour réveiller votre côté dépressif.
En somme, cette année encore, octobre s’annonce éprouvant. Surtout quand on sait que novembre sera encore pire.