Projet de documentaire sur l'immigration portugaise

Démythifications

d'Lëtzebuerger Land du 12.11.2009

Un homme portant chapeau et imper arrive avec sa valise en carton, une vieille femme l’observe par sa fenêtre, puis, quand il la regarde, s’empresse de tirer le rideau. Un autre homme tout gris, assis derrière son ordinateur gris, dans un coin de bureau gris et sous un portrait du grand-duc, regarde le temps passer ; travelling arrière, puis on voit, au premier plan, des ouvriers se tuer à la tâche sur un chantier en bâtiment. Crevé, l’un d’eux rentre chez lui pour y retrouver sa famille nombreuse, enfants bagarreurs, une grand-mère avec un fichu sur la tête et une mère qui sert du bacalhau... 

Ce petit spot d’une minute vingt, qui a été projeté durant trois mois dans les cinémas l’été dernier, a interpellé, voire agacé plus d’un spectateur. « C’était exactement ce que nous voulions provoquer : une gêne, une réaction... » se réjouissent ses auteurs, Thierry Bessling et Loïc Tanson. Car le but de l’opération est d’entrer en contact avec des Portugais et des Luxembourgeois qui veulent, comme eux, démonter les clichés concernant les deux communautés, d’entendre leurs histoires, voire de trouver des images privées sur l’immigration portugaise et la vie des Portugais au Luxembourg.

Cela fait un an et demi que les deux jeunes cinéastes font des recherches sur le sujet, ici et là-bas. Et ce pour un film documentaire dont le titre de travail est Eldorado. Le projet remonte à une initiative de l’ambassade portugaise et de l’Asti, qui ont contacté Samsa Film avec l’idée de faire un film sur l’immigration portugaise – seul le documentaire La mesure du rectangle de Donato Rotunno (Tarantula, 2002) y fut consacré jusqu’à présent, par le biais de la guerre des clubs de football. Samsa a proposé le projet au duo Bessling / Tanson, qui s’étaient d’ailleurs rencontrés sur les plateaux de tournage de la même société, où ils officiaient en tant que stagiaires. Rui Eduardo Abreu, Portugais ayant grandi au grand-duché, et qui termine ses études en ethnologie et cinéma, s’est joint à l’équipe ; son regard intérieur à la communauté lusitanienne permettra d’ajouter encore un éclairage au film. Le projet a pu profiter d’une aide à l’écriture du Filmfund ; avec un peu de chance, le scénario pourra être soumis au comité du fonds en janvier et le tournage pourrait alors se faire au courant de l’année 2010. 

« Notre objectif, dit Loïc Tanson, est que le film soit à l’opposé du spot de cinéma, de démonter les clichés qu’on peut avoir en tête ». Et ce des deux côtés : aussi bien de l’image que se font les Luxembourgeois des Portugais, que l’inverse. Plutôt que de faire un historique de cette immigration depuis les années 1970, leur ambition est de montrer la réalité quotidienne des Portugais ici, leur intégration (ou non) par l’école, la construction d’une nouvelle identité, perméable, les rêves et attentes brisés à l’arrivée dans ce pays qui, vu du Portugal, a toujours, à tort ou à raison, des allures d’Eldorado. 

josée hansen
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