Plus de 85 pour cent des Luxembourgeois partant en vacances à l’étranger séjournent en Europe et Internet joue un rôle croissant dans les réservations. Selon une étude du Statec, en 2011, « la toile a été consultée à des fins d’information et de réservation pour 57 pour cent des voyages de loisirs. Parmi ces utilisations, presque 80 pour cent des internautes ont acheté ou réservé un voyage sur Internet ». Or, en programmant leurs séjours en ligne, les consommateurs européens peuvent avoir des surprises, notamment s’ils souhaitent louer une voiture sur leur lieu de vacances.
Dans une lettre rendue publique le 11 août dernier, la Commission européenne enjoint à six sociétés internationales de location de voitures de cesser leurs « pratiques discriminatoires injustifiées à l’encontre des consommateurs, en fonction de leur nationalité ou de leur lieu de résidence ». Cette lettre fait référence à des plaintes répétées auprès des services de la Commission. Selon l’exécutif européen, 5,5 pour cent des plaintes traitées par les Centres européens des consommateurs concernent la location et le leasing de voitures.
En cause, l’existence de pratiques de réacheminement automatique après identification de l’adresse IP de l’utilisateur. Un consommateur est parfois empêché d’effectuer toute réservation en ligne en raison de son adresse IP. Il peut également se voir imposer un prix différent après avoir saisi le nom de son pays de résidence sur le site internet de la société de location de voitures concernée. « Récemment, un consommateur, après avoir saisi le nom de son pays de résidence (l’Allemagne), a vu doubler le prix annoncé d’une location de voiture au Royaume-Uni », écrit la Commission dans un communiqué.
Dans son bras de fer avec Avis, Hertz, Europcar, Sixt, Enterprise et Goldcar, la Commission européenne s’appuie sur l’article 20 de la directive Services qui interdit aux sociétés d’appliquer des discriminations injustifiées pour l’accès à un service, sur la base de la nationalité ou du lieu de résidence du consommateur. Toute la subtilité réside dans le terme « injustifié ». « Ce n’est pas noir ou blanc si une discrimination est justifiée ou pas » constate Julie Janson, juriste au Centre européen des consommateurs luxembourgeois. « C’est une situation que l’on souhaiterait améliorer mais ce n’est pas pour autant que les entreprises sont en infractions » poursuit-elle.
« Il y a des critères qui peuvent être difficiles à comprendre pour le consommateur comme l’état du marché » estime la juriste. Ce critère peut, en effet, être appréhendé très différemment selon le spectre envisagé. « La pratique de prix différents pour différents marchés est due au fait que les compagnies sont en concurrence sur les prix uniquement au niveau national, se focalisant sur les actions de leur concurrents. Ces activités nationales sont fortement liées aux jours fériés locaux, aux vacances scolaires et aux préférences nationales » explique Richard Knubben, conseiller à Leaseurope, la fédération européenne des industries de leasing et location de voiture. Le marché pris en considération par le représentant des sociétés de location de voitures est donc le pays de résidence du consommateur. À contrario, la Commission européenne estime que le marché pertinent est celui où se déroule le service. « Si un Irlandais et un Italien louent une voiture au même endroit et à la même période, c’est le même service » explique au Land une porte-parole de la Commission.
« Ça fait longtemps que le problème se pose. Nous sommes en discussion avec les représentants du secteur depuis 2011. Ils sont déjà censés respecter la règlementation depuis 2006 » s’impatiente la porte-parole de la DG Marché intérieur. La Commission a donc décidé de taper du poing sur la table et d’exiger de nouvelles actions pour le 30 août. Trois des six sociétés incriminées, Sixt, Enterprise et Goldcar ont déjà répondu à la lettre de la Commission de manière satisfaisante. Les trois autres se font attendre. Bruxelles ne dispose que de moyens d’actions limités pour contraindre ces sociétés à appliquer la directive services. « La Commission elle-même n’a pas de pouvoir de sanction. Il y a une menace morale mais légalement ce sont les autorités compétentes des États membres qui peuvent agir. », explique Julie Janson. « Au Luxembourg, c’est le ministère de l’économie qui serait compétent » précise-t-elle.
Si le nombre de plaintes pour discrimination reste relativement réduit au Luxembourg, la Commission constate que « la plupart des consommateurs victimes se contentent de subir la discrimination sans envoyer de plainte à la Commission ou aux Centres européens des consommateurs ». Michel Barnier, vice-président de la Commission européenne chargé du marché intérieur et des services, garde son cap et considère que « le marché unique devrait être une réalité quotidienne non seulement pour les grandes entreprises internationales, mais aussi pour les consommateurs européens ».